La maison en tant que sanctuaire – les preuves visuelles

Les peintures murales, quoiqu’endommagées, offrent un témoignage durable de leur sophistication, car aujourd’hui encore, elles permettent d’entrevoir des mondes virtuels fascinants au-delà de l’espace physique de la maison. En leur état d’origine, elles devaient dégager un charme irrésistible. Mais en quoi consistaient ces mondes fascinants ? L’un des thèmes constamment illustrés est celui du sanctuaire. La présence récurrente de ce thème n’a rien de vraiment surprenant puisque la conception de la maison apportait une protection à la fois physique et spirituelle. Cette opinion est également étayée par l’iconographie des peintures murales, qui se décline principalement en thèmes liés à la lutte, à l’accomplissement et à la quête de la vie éternelle. La ressemblance frappante entre le sanctuaire éternel (la domus aeterna ou le tombeau) et la maison romaine n’est a donc rien d'étonnant. Dans la culture romaine, une maison pouvait tenir lieu de scène métaphorique et de réceptacle pour la mémoire, deux concepts qui trouvent un écho dans la forme symbolique de la maison : le tombeau, demeure des défunts. Depuis des temps très reculés, le tombeau était considéré comme la maison éternelle, et recréait nombre de caractéristiques intérieures et extérieures liées aux maisons, comme des frontons ou des colonnes, des lits, des tables, des chaises voire des équipements et des ustensiles de cuisine (fig. 1). Les éléments extérieurs de bien des sarcophages romains présentent des attributs architecturaux, comme des façades de maison ou de temple. Les anciens pots de terre cuite utilisés pour contenir des restes humains étaient systématiquement confectionnés sous l’apparence de maisons, et prirent dès lors le nom de charniers (ossuaires). Les monuments funéraires, comme les sépultures découvertes sur les artères principales menant à l’intérieur des cités, ressemblent souvent à des maisons ou à des temples miniatures (fig. 2 à 4). De telles particularités communes dénotent des parallèles visuels existant entre la demeure des morts et celle des vivants. Le besoin de créer des synergies entre la maison des vivants et celle des défunts s’est peut-être vu renforcé après que l’État romain a déclaré illégale l’inhumation domestique.

Si, comme il est généralement admis, le tombeau reflète la maison, alors le tombeau en tant que sanctuaire archétypal renforce le concept de la maison en tant que sanctuaire pour les vivants et également pour les défunts, à travers le culte domestique des ancêtres. Honorer les ancêtres par une cérémonie, dans le tombeau ou la maison, était une manifestation concrète de piété de la part des membres de la maisonnée. Le concept de pietas dans la société romaine renvoyait aux obligations envers l’État, au devoir familial et au culte public des dieux et des ancêtres. En conséquence, la maison était considérée comme un sanctuaire dédié aux vivants comme aux défunts (Lyttelton M. & Forman W., 1984, p. 85).

Cette conception socio-symbolique de la maison romaine est rarement employée pour enrichir notre compréhension des peintures romaines, chose surprenante étant donné le rôle significatif de l’intertextualité de la maison en tant que sanctuaire. Pour partie, cette omission peut être attribuée au type de recherches méthodologiques employées pour l’étude des peintures. En effet, les œuvres ont été étudiées presque exclusivement à l’aide de méthodes typologiques qui privilégient la séparation et la classification au détriment de l’évolution et de l’intertextualité. En conséquence, toutes les synergies sémantiques qui auraient pu se dégager de ces peintures ont disparu, ce qui constitue l’un des problèmes inhérents à la séparation de l’analyse stylistique de la portée sémantique d’une œuvre.

Une autre raison de ne pas explorer en profondeur la thèse de la maison en tant que sanctuaire réside dans l’immense intérêt porté à la relation entre le pater familias et la maison. Pour puissant qu’il pouvait être, il n’en était manifestement pas le seul occupant du domicile. Néanmoins, ses devoirs et ses aspirations prévalent dans les écrits consacrés à ce thème. La conséquence de cette attention a pris la forme d’une conception dominante de la maison comme étant tournée vers l’extérieur, avec les fonctions principales d’exposer le propriétaire et de recevoir les visiteurs. Par contre, l’orientation de la maison vers l’intérieur, telle qu’elle était vécue par les habitants, n’a reçu que peu d’attention. Pourtant, l’orientation intérieure de la maison est la caractéristique majeure de sa conception, qui lui confère une apparence de sanctuaire, conjointement avec le symbolisme de l’entrée et du seuil, les espaces sacrés domestiques, les sacraria (pièces à vocation de sanctuaire), les banquets rituels et les peintures murales représentant des sanctuaires.

La maison en tant que sanctuaire
1
page header
5
bbfb
4

 

 

 

bbfb