Même de nos jours, le trope shakespearien « le monde entier est un théâtre » n’a pas perdu sa place fondamentale au cœur-même du drame humain, et la maison continue ainsi à servir de « scène » dans de nombreux feuilletons télévisés, consommés avec avidité à travers le globe.

Les preuves matérielles suggèrent que les demeures romano-campaniennes à l’apparence plutôt modeste étaient également imprégnées des représentations de thèmes mythologiques, probablement capables de susciter toute une myriade d’émotions chez les habitants. Certaines connexions littéraires entre la maison, les émotions et le théâtre antique sont abordées dans l’article de Susan Treggiari, « The upper-class house as a symbol and focus of emotion in Cicero ». JAR, 1999, vol. 12, p. 33–56. La rhétorique latine associait également la maison au concept de « théâtre de la mémoire », et les orateurs étaient entraînés à déambuler dans une maison imaginaire pour permettre aux éléments du décor de déclencher des discours mémorisés au préalable (Pour plus d’informations sur ce thème voir, Bettina Bergmann « The House as Memory Theatre: The House of the Tragic Poet in Pompeii ». The Art Bulletin. 1994, vol. 76–2, p. 225–255). La maison en tant que théâtre de la mémoire fonctionnait également sur un autre plan, où la maison devenait un palimpseste en évolution constante, créé de manière à encourager la commémoration. L’acte de commémoration était très souvent illustré par la présence de bustes d’ancêtres ou de masques mortuaires en cire, la plupart du temps représentés sur les médaillons honorifiques en forme de bouclier (imago clipeatae), conservés dans les atria ou dépeints dans les peintures murales au sein de la demeure (fig.1).

Bien que je tente de contester un rapprochement ouvertement forcé entre le théâtre antique et les peintures murales domestiques, personne ne peut négliger la prédilection évidente affichée par l’Italie, du temps de l’Empire romain à nos jours, pour l’aspect théâtral, et ce, dans tous les aspects de son tissu socioculturel. Franchissez le seuil de n’importe quelle église datant d’avant le xxe siècle, de Turin à Naples, la mise en scène théâtrale de la religion en termes de spectacle ne peut que vous sauter aux yeux, tant elle est apparente. Les tropes visuels et littéraires recouvrant les murs des maisons orientées vers l’intérieur à Pompéi et à Herculaneum, offraient sans nul doute un sens du spectacle similaire à l’observateur. Cet effet était largement provoqué par l’utilisation de peintures murales en trompe l’œil dépeignant des mondes métaphysiques habités par des ancêtres, des divinités et des figures mythologiques. Même de nos jours, quiconque peut imaginer sans effort comment les vestiges ternis de peintures en trompe-l’œil, représentant des façades architecturales du deuxième style, fournissaient jadis la toile de fond de la vie domestique, transformant ainsi les rencontres quotidiennes en évènements dignes d’une représentation théâtrale. Cette métamorphose est illustrée à travers les activités du pater ou mater familias, par la réception des clients dans l’atrium ou l’accueil des amis proches dans les jardins privés à l’intérieur de la maison (fig.2).

La Maison en tant que théâtre
Labyrinth 1
page header
3
bbfb
bbfb

1 Boucliers honorifiques (imago clipeatae) situés entre les colonnes de la tholos - Casa del Labirinto, Pompéi - oecus Corinthius