Comme plusieurs auteurs l'ont souligné, Modèle et Sculpture surréaliste représente un nu debout observant une figure assise composée d'un mélange surréaliste de tissus et d'objets ressemblant à des meubles. Le nu debout est clairement Marie-Thérèse et la figure assise, que Richardson a décrite comme "une image miroir surréaliste d'elle-même", met également à nu de nombreux objets caractéristiques associés aux dessins d'Une Anatomie, comme un canal d'eau en forme de V et des boules qui signifient de manière ambiguë un vagin, des fesses ou un pénis. D'autres motifs comme les boules suspendues et les tissus et meubles anthropomorphisés font également écho aux formes que l'on retrouve dans la série Une Anatomie. De toute évidence, les figures contrastées soulignent de manière amusante la différence entre la figuration classique et la figuration surréaliste, ce qui a peut-être été une manière pour Picasso de se moquer subtilement des surréalistes qui, quelques années plus tôt, avaient expulsé et dénigré le proto-surréaliste Giorgio de Chirico à cause de son « retour ». au classicisme ». Comme Cowling l'a suggéré, l'eau-forte peut également signifier un acte d '«humour d'autodérision» visant un «assemblage surréaliste qui semble être la matérialisation d'un courant de conscience». (Cowling 2002 : 546-547)
La page de titre, la cabane de plage et Une Anatomie
Picasso n'était pas un surréaliste caricatural et pouvait se permettre de se moquer de la rigueur idéologique du mouvement. Mais cela ne change rien au fait que les dessins d'Une Anatomie emploient des tropes surréalistes. On retrouve une dimension surréaliste évidente dans la présence quasi subliminale de la cabane de plage sur la page de titre. (Fig.14, page 6). Celle-ci possède des connotations freudiennes distinctes qui résonnent avec l'éthos du surréalisme. Dans sa thèse si importante de 1981, citée ci-dessus, Gasman a toujours reconnu les connotations sexuelles associées à la cabane ou à la cabine de plage, avant de développer avec ténacité ses significations plus nuancées, qui recouvraient invariablement différents aspects de la psyché de Picasso ou agissaient comme un métonyme de sa présence physique. En conjonction avec une clé quelque peu exagérée (voir Fig.11, page 5), la cabane de plage cachait invariablement une signification relative à de la violence, lorsqu'elle était attaquée par un monstre cinglant ; ou sexuelle comme étant un endroit où des fantasmes sexuels effrénés pourraient être assouvis.*
Richardson a cité la cabane de plage comme l'endroit où, enfant, Picasso a eu sa "première expérience sexuelle, mais qui ne sera jamais oubliée ». Celle-ci s'est produite lorsqu'il a "aperçu" les poils pubiens d'une femme alors qu'elle sortait d'une cabane de plage (Richardson 2007 : 342 ). Ainsi, la cabane de plage, à la fois image d'épanouissement et de déni, devient une image récurrente dans les peintures, dessins et lithographies qu'il réalise au début de sa relation secrète et sensuelle avec Marie-Thérèse.
La représentation de la paillote et de la famille sur la plage qui devient la page de titre est réalisée le 22 février 1933, trois jours avant le premier dessin d'Une Anatomie. Comme indiqué précédemment, la scène de la plage semble se concentrer sur la fécondité féminine et la célébrer avec une liberté archaïque, contrairement à la peinture de 1923, Famille sur une plage centrée sur un homme désespéré ou mourant. La forme très sculpturale de la femme contraste dramatiquement avec celle purement linéaire de l'homme et l'enfant allongés et cette forme enceinte tout en courbes pourrait bien signifier la récupération de Marie-Thérèse avant les ex-voto, figures squelettiques qui commémorent les effets de la maladie. Toutes les autres figures debout de la série Une Anatomie ont été réalisées par groupes de trois les 26, 27, 28 février et 1er mars. Lorsque les pages sont illustrées séparément, elles sont généralement légendées : Une Anatomie: Trois Femmes, et cela vaut même pour le groupe qui contient le mâle ithyphallique pourvu aussi d’un vagin (Figs. 3-4, page 2). Contrairement à la femme aux lignes arrondies sur la page de titre, les autres personnages sont essentiellement squelettiques, évoquant ainsi les effets de la bactérie spirochète (Figs. 2, page 1).