Des intérieurs privés et non des galeries d’art



Les chapitres précédents ont traité des répercussions sur le monde moderne de la découverte de la peinture murale romaine antique au milieu de dix-huitième siècle et de comment ce même monde moderne a influencé notre perception de ces œuvres. Ce chapitre suit cette optique en proposant une vue d’ensemble des peintures elles-mêmes ainsi que de leur lien unique avec leur environnement domestique. Il évoque par la même occasion des débats esthétiques majeurs, tels que ceux portant sur la classification en styles d’August Mau, élaborée à la fin du dix-neuvième siècle, qui a grandement influencé les attitudes du début du vingtième siècle à l’égard des peintures. Ses théories sont passées en revue de même que certaines questions controversées liées à l’utilisation du trompe-l’œil et de la perspective en tant que formes symboliques. En plus de s’intéresser principalement à des questions liées à la peinture, ce chapitre évoque également certains événements sociopolitiques qui ont très probablement influé sur l’évolution des peintures murales, comme la transition tumultueuse et sanglante du régime républicain au régime impérial.

Il serait très tentant d’en venir directement aux peintures murales en elles-mêmes et d’en parler comme s’il s’agissait d’objets culturels anciens ou de peintures isolés dans une galerie d’art. Cependant, un tel comportement ne ferait qu’accentuer le nombre de discours formalistes dont ils font déjà l’objet. La recherche de subdivisions supplémentaires dans la classification d’August Mau ne nous apprendrait rien de plus sur les personnes qui les ont commandées ou sur celles qui les ont admirées. Au contraire, nous pourrions même nous éloigner du fait que ces peintures se trouvaient dans des intérieurs privés et étaient donc porteuses de valeurs culturelles variables puisqu’elles avaient été commandées, observées et ajoutées dans les habitations par différentes générations ou par de nouveaux propriétaires. Bien que certaines peintures soient effectivement restées inchangées pendant plus de 150 ans, d’autres ont été remplacées parce qu’elles ne répondaient plus aux impératifs culturels, étaient endommagées ou avaient été détruites par des forces naturelles, comme des tremblements de terre. Une discussion axée sur « leur contexte d’origine » s’avèrerait donc hautement problématique.

En abordant les peintures murales, il convient de garder à l’esprit que les Romains ne vivaient pas dans un monde aussi centré sur le visuel que le nôtre. Les images n’étaient pas autant diffusées en comparaison à notre exposition actuelle à des sources tant imprimées qu’électroniques. Leur iconographie mettait parfois non pas des années ou des décennies, mais des siècles à évoluer et se propageait à l’aide de méthodes de diffusion culturelle qui demandaient beaucoup plus de temps et de travail. Ce type d’environnement engendrait des langages visuels bien ancrés et très faciles à identifier, et précisément celui qui permettait de consolider l’hégémonie romaine alors que ses aspirations coloniales prenaient chaque jour plus d’ampleur.

 

À la rencontre des peintures murales
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