Notre compréhension de la peinture romaine ancienne est caractérisée dans une large mesure par l’influence que ce style pictural a exercée sur le néoclassicisme, sur le romantisme et, plus récemment, sur la culture populaire du vingtième siècle. Ces œuvres modernes d’inspiration antique se sont déclinées, entre autres, sous la forme de romans, de films et de programmes télévisés. Dès lors, il convient de commencer à s’interroger sur le travail des artistes, créateurs, écrivains, scénaristes, compositeurs et réalisateurs, qui a affecté de manière significative notre vision de la peinture romano-campanienne de l’Antiquité, à la fois dans le contexte de leur découverte et dans le monde moderne. En effet, ces œuvres antiques ont influencé des courants artistiques subséquents, pour être ensuite contaminées par ces nouvelles productions très inspirées.

La plupart des peintures murales étudiées dans cette monographie en ligne remontent à une période située entre 150 av. J.-C. et 79 apr. J.-C., lorsque la majorité des exemples restants furent ensevelis sous des débris volcaniques. Les copies ultérieures et les différentes appropriations ont depuis lors été mêlées aux peintures originales ; l’original et la copie se situent à présent dans un espace physique et conceptuel très confus. Par conséquent, les peintures antiques ne sont plus visibles aujourd’hui qu’à travers une accumulation successive de filtres culturels accumulés au fil des siècles en réaction à des constructions socioculturelles telles que le christianisme, la Renaissance italienne, le siècle des Lumières, le néoclassicisme, le romantisme, et plus récemment, le modernisme et le postmodernisme. D’une manière ou d’une autre, tous ces courants ont assimilé des éléments de la peinture murale romaine et en ont façonné leurs propres versions idéologiques de ces œuvres. Les formes réappropriées influencent à présent la manière dont nous voyons les « originaux », et quels que soient les efforts que nous déployons pour les ignorer ces filtres déformants, ils n’en restent pas moins présents. Par exemple, à partir des années 1930, les péplums hollywoodiens empruntaient des fragments décontextualisés de peintures murales romaines pour fournir un décor « authentique » au portrait bien moins authentique qu’ils dressaient de la société romaine. Malgré les clichés souvent absurdes de ces films, nous voyons encore le monde romain à travers une juxtaposition de filtres caractérisés par l’hédonisme et le martyre sauvage des chrétiens (fig. 1 à 4). Dès lors, avant de pouvoir étudier les peintures murales antiques, nous devons être conscients des différents mélanges de faits et de fictions, ainsi que des éléments de fiction pure, qui se dressent entre nous et les preuves matérielles antiques.

Situer physiquement le « matériau originel » est en soi une tâche délicate, bien que, par définition, les peintures murales soient spécifiques au site où elles se trouvent. Pour de multiples raisons plus ou moins anodines, de nombreuses peintures murales ont été extraites de leur emplacement originel, provoquant ainsi une nouvelle décontextualisation. Des peintures à l’origine situées en un lieu donné  sont maintenant présentées dans des expositions itinérantes, et des peintures murales qui formaient jadis un ensemble narratif dans une pièce unique se trouvent à présent sur des continents différents. La villa Boscoreale de Publius Fannius Synistor est un bel exemple de cette forme de diaspora picturale.

Les peintures murales qui se trouvent encore in situ se prêtent mieux à la séquence narrative, mais leur contexte social reste difficile à cerner, dans la mesure où les objets et les éléments matériels qui ont un jour accompagné ces œuvres ont été déplacés ou bien ont tout simplement cessé d’exister. Dès lors, situer physiquement les peintures peut se révéler aussi problématique que de tenter de cerner les idéologies qui leur sont associées. La rareté des textes antiques au sujet de ces images exacerbe un peu plus les problèmes liés à l’identité conceptuelle de ces œuvres antiques. Le manque de preuves écrites contemporaines et la dislocation des peintures ont créé un vide conceptuel, très vite comblé par les nombreuses appropriations ultérieures décoratives, picturales, littéraires, architecturales et cinématographiques, devenues les filtres responsables de notre perception actuelle des peintures romaines.

 

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reeves 1
ben hur poster 2
sign of the cross poster 3
girl and gorrilla 4
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1. The Last Days of Pompeii (Les Derniers Jours de Pompéi), réalisé par Mario Bonnard et Sergio Leone, 1959

2. Ben-Hur, par Fred Niblo, 1925

3. The Sign of the Cross (Le Signe de la croix), réalisé par Cecil B. DeMille, 1932

4. Scène tirée du Signe de la croix, réalisé par Cecil B. DeMille, 1932