Winckelmann n’était pas le seul à vouloir trouver des exemples de peintures grecques à Pompéi et à Herculanum. À cette époque, aucune peinture grecque ou hellénistique n’avait été découverte et leur existence n’était évoquée que dans les textes antiques. Par conséquent, chaque peinture mettant en scène un thème mythologique était soigneusement examinée dans l’espoir d’y reconnaître une œuvre grecque originale. Malgré l’absence de véritables artefacts grecs à Pompéi et à Herculanum, les deux villes provinciales ont néanmoins été utilisées afin de reconstruire l’image de la Grèce en tant que berceau de la civilisation. À la fin du XIXe siècle, même de grands archéologues, dont August Mau, décrivaient les peintures murales comme des « copies d’œuvres grecques et hellénistiques perdues » et les ont dénigrées à cause d’une absence de mérite intrinsèque. « De l’an 80 av. J.-C. à l’an 79 apr. J.-C., le nombre de créations a été limité aussi bien dans le domaine de la peinture que dans celui de la sculpture. Aucun nouveau genre, aucune amélioration ; le peintre, tout comme le sculpteur, était éclectique, car il utilisait des créations du passé selon ses désirs et se contentait de les copier ou de les imiter. » (Mau, 1899, p. 461.) La conception de Mau, à présent discréditée, était fondée sur des extraits de textes antiques faisant référence à la peinture grecque et aux théories controversées de Winckelmann sur la suprématie de l’art grec. Malheureusement, le jugement esthétique de Mau a toutefois influencé de nombreux autres archéologues, également dépourvus de connaissances professionnelles en matière d’art ou d’esthétique.


Pompéi et les nouvelles académies

Les œuvres de Winckelmann sur l’art classique et le nombre croissant de peintures murales découvertes à Pompéi et à Herculanum ont donné un élan phénoménal aux Académies des Beaux-Arts, toujours plus nombreuses en Europe. Preuve en est, entre 1750 et 1790, leur nombre est passé de 40 à plus de 100 établissements. Avant 1750, les références littéraires antiques à l’art pictural grec, ainsi qu’à l’art de la Renaissance, étaient suffisantes pour jeter les bases théoriques et inciter aux études académiques. La découverte de la mégalographie (peintures figuratives de grand format) à Herculanum, ainsi que dans la Villa dei Misteri par la suite, a été synonyme d’un renouveau radical dans les sources d’inspiration pour la peinture mythologique (fig. 1 et 3). Parallèlement, leur contenu mythologique a servi de substitut à l’Âge d’or perdu de la peinture grecque. En contribuant au développement des Académies européennes, des peintures comme Hercule et Télèphe ont également assis les bases du style néoclassique. Beaucoup d’artistes éminents de l’époque se sont rendus sur les sites campaniens pour étudier les peintures in situ et s’en imprégner totalement. L’exemple le plus éloquent est le portrait d’Ingres, Madame Moitessier (1856), directement inspiré de la peinture murale Hercule et Télèphe découverte dans la basilique d’Herculanum (fig. 1 et 2). Rétrospectivement, il s’avère que, malgré le développement des Académies européennes à travers l’idéal classique des peintures murales romaines, ces peintures ont elles-mêmes souffert d’être perpétuellement considérées comme des imitations ou des copies d’œuvres originales grecques maintenant perdues  Cette conception a tellement frustré Piranesi qu’il a écrit :

« Je n’aurais jamais imaginé que les Romains auraient pu être accusés un jour de faire preuve d’étroitesse d’esprit et de grossièreté. La plupart de leurs œuvres ont certainement été détruites par les ravages du temps et de la guerre, mais lorsque je regarde les monuments antiques de Rome et de l’Italie en général, je suis stupéfait qu’une telle idée ait pu passer par la tête d’hommes un tant soit peu instruits.

 

 

Pompéi : tourisme et romantisme
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