Honorer les dieux et apaiser les esprits des morts


Les Sanctuaires
et les jardins paradisiaques domestiques ont ensemble contribué au concept de la « maison en tant que sanctuaire ». Or, la peinture murale demeure la caractéristique la plus visible du caractère sacré du domicile. Elle y est parvenue par l’introduction d’une imagerie au rôle significatif dans la vie spirituelle quotidienne de la domus. Les thèmes employés dans les peintures murales sont nombreux et variés bien que leur étude révèle finalement qu’ils gravitent tous autour d’une tradition : « Il faut honorer les dieux et apaiser les esprits des défunts ». Cet objectif est atteint grâce à la représentation de mondes métaphysiques qui permettent une interaction entre le mythe, la magie, la philosophie, la superstition et la religion. Au cœur de cette interaction repose un délicat équilibre entre la catharsis et la tragédie fondé sur la visualisation d’êtres divins, le culte des ancêtres et l’état d’apothéose (fig.1). C‘est le peintre qui a réalisé cette transformation des concepts en œuvres visuelles dans la maison. Se servant de sa compréhension sophistiquée de la relation entre la perspective et la métaphysique ainsi que de la psychologie idéo-spatiale liée à la dissolution et au devenir, il a transformé tous les concepts précédemment cités en une réalité visuelle (bien que virtuelle). Il a transfiguré la maison, la métamorphosant d’une cabane en un sanctuaire. Et, oui, il peignait également des portraits!


Le mur et son simulacre

Afin de comprendre pleinement la façon dont la maison romaine a été transformée d’une cabane en un sanctuaire, il nous faut examiner méticuleusement le phénomène de transition d’une surface en faux marbre (premier style dit des « incrustations ») en une peinture spatiale sophistiquée (deuxième style dit « architectural ») (fig.2 et 3). Au cours des dernières années, le premier style a été ignoré, car il ne renfermait pas de références iconiques (Laidlaw, 1985, est une exception remarquable). Par conséquent, l’étonnante transition conceptuelle de la peinture murale du premier style à celle du deuxième style n’a pas été pleinement analysée. Pourtant, sans l’implacable réitération du mur en tant que simulacre de lui-même, les développements conceptuels ultérieurs auraient sans doute été tout autres.

Le mur dans la peinture murale romaine n’était pas qu’une surface à peindre, car le décorum social et culturel en voulait autrement. Il n’était pas non plus une tabula rasa ou une toile blanche attendant d’être remplie selon les désirs de l’artiste ou du mécène. Même avant qu’une marque ne soit apposée sur le mur, ces grandes surfaces aux rares fenêtres étaient destinées à refléter le désir de protection, de sainteté et de prospérité auquel aspirait le foyer. Le premier style y parvenait en donnant l’impression que le mur était composé de larges blocs d’un marbre onéreux. L’effet psychologique obtenu était un mélange de prospérité et de sécurité dans un monde souvent en proie aux tourmentes politiques, voire économiques. L’hypothèse que la peinture murale s’est développée en réaction à des événements sociopolitiques se produisant à l’extérieur de l’enceinte de la maison n’est pas aussi fantaisiste qu’il n’y paraît de prime abord. Dans La Peinture de Pompéi (1991, p. 35–47), Karl Schefold souligne certaines concordances entre des raisons politiques et des effets socio-culturels au regard de l’évolution de la peinture murale romaine. Peu importe leur motivation, les habitants recherchaient sans exception l’illusion de sécurité et de prospérité engendrée par les surfaces en faux marbre.

La présence de motifs associés à l’éternité suggère que les Pompéiens voulaient que leur sécurité, leur prospérité et leur sainteté durent indéfiniment. Ces motifs, principalement de nombreuses représentations de guirlandes de la fécondité, de masques eschatologiques, de filets ou d’écharpes, ainsi que de couronnes de l’éternité, semblaient être suspendus au mur en faux marbre et symbolisaient ensemble l’union éternelle (fig.4 et 5). Les sépultures macédoniennes, telle la tombe de Lyson et de Kallikles à Lefkadia, avaient déjà eu recours à des symboles d’éternité similaires.

 

 

La Peinture murale et la Maison en tant que Sanctuaire
1>
page header
1
bbfb
bbfb