La proposition « absurde » de Gilbert-Picard


L’Art romain de Gilbert-Charles Picard renferme une des observations les plus étonnantes au sujet de la signification de la peinture murale romaine située dans un environnement domestique. Trois paragraphes dénombrant moins de six cents mots remettent en question et rejettent une grande partie de la littérature stérile qui a privé les peintures murales de leur signification symbolique, les laissant tels des vaisseaux abandonnés dénués de sens. Il a commencé en concluant que la théorie, jusqu’alors dominante, de W. G. Beyen reliant la peinture murale romaine à des décors du théâtre antique était insoutenable et qu’il fallait adopter une approche révolutionnaire. Sa critique, ainsi que les remarques formulées par d’autres auteurs sont analysées en détail dans la section The House as Theatre.

Sa nouvelle approche avait pour point de départ le motif récurrent de la porte qu’il considérait être la première image à dissoudre le mur physique en le remplaçant par son homologue métaphysique (fig.1). « Cette porte, nous la trouvons dans tous les arts antiques, sauf dans celui de la Grèce classique, pendant plus de mille ans, avec une signification constante : c’est l’entrée des enfers, ou, ce qui revient au même, celle du tombeau. Comment aurait-elle une autre valeur dans la peinture romano-campanienne ? » (Picard, 1968, p. 97) (fig.2). Bien qu’il n’approfondisse pas davantage ce sujet afin de confirmer sa remarque, celle-ci n’en a pas moins diverses conséquences. Si la porte est une image indicatrice, il nous faut reconsidérer l’ensemble du système conceptuel où la peinture murale romaine existait au sein de la maison.

Le lien direct établi par Picard entre la peinture murale et les pratiques commémoratives religieuses à l’intérieur du foyer apparaît beaucoup moins fantaisiste lorsqu’il est placé dans le contexte de la relation complexe entre les défunts et les vivants présente en Italie depuis des temps immémoriaux. Par exemple, nous savons que près de trois cents ans plus tôt, les peintres sur vase de Tarente satisfaisaient les besoins eschatologiques des riches familles d’Apulie. Ainsi, il est tout à fait légitime de se demander qui fournissait un service similaire aux riches Pompéiens au premier siècle av. J.-C.? De même, quelle forme revêtait ce service? La peinture murale située dans l’environnement domestique en faisait-elle partie? En quête de la réponse nous pourrions à raison nous interroger sur le moment où la peinture d’une porte ne représente plus uniquement une porte, ce à quoi Picard répond: « D’ailleurs, si nous en étions tentés, regardons bien la frise qui surmonte la janua de Boscoreale : nous y voyons la chasse du sanglier de Calydon, sujet funéraire s’il en fut, comme l’attestent à l’envie les urnes étrusque et les sarcophages romains » (Picard 1968, p. 97) Dans ce passage, Picard évoque le symbolisme de l’entrée ou de la sortie de Janus, généralement associée à l’imagerie de la porte ainsi que, dans ce cas-ci, aux évocations eschatologiques sous forme de frise placée au-dessus de la porte (fig.3 et 4).

La Peinture murale et la Maison en tant que Sanctuaire
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1. Fausse-porte, cubiculum (chambre) 16, Villa dei Misteri, Pompéi

2. Fausse-porte dans le tombeau du scribe Nakht, ouest de Thèbes, Égypte, 1390 av. J.‑C.

3. Villa P. Fannius Synistor, Boscoreale, triclinium, mur ouest, c. 50 av. J.‑C.

4. Villa P. Fannius Synistor, Boscoreale, triclinium, mur ouest, c. 50 av. J.‑C. (détail d’une une frise au-dessus de la porte, illustrant une scène de chasse)