Comme s’il s’étonnait de sa propre proposition où l’imagerie de la porte dans la peinture murale romaine dérivait de l’architecture des tombeaux, Picard continue: « Cette conclusion obvie a été pourtant universellement écartée jusqu’ici parce que personne n’a voulu admettre qu’un Romain ait pu avoir l’idée de faire peindre sur le mur de sa chambre à coucher une façade de tombeau, peu propre à suggérer des idées plaisantes, et capable au contraire de donner des affreux cauchemars à quiconque croyait au revenants, ce qui était le cas de presque tout le monde » (Picard, 1968, p. 97) La croyance que l’image de la porte à Boscoreale était située dans un triclinium (salle à manger) et non dans une chambre n’affecte pas le sens de la proposition de Picard parce que le banquet rituel incluait systématiquement des références aux défunts ancêtres. Une porte menant vers les enfers aurait donc été tout à fait opportune. Les représentations de jardins servant de sanctuaires ou celles de façades de tombeaux étaient également retrouvées dans les autres pièces de la même villa (fig.1).
Picard soutenait que la fausse-porte représentait, à l’intérieur du domicile, la façade d’un tombeau. Il cite notamment son compatriote, le Français Albert Grenier, spécialiste de l’histoire romaine : « Pourtant cette idée apparemment absurde le devient beaucoup moins si nous nous remémorons quelques données bien connues de la vieille religion romaine. “ Le tombeau, écrit A. Grenier (Religion Romaine, p. 87), est originairement commun à la famille. L’âme de l’ancêtre est censée survivre, mais, à des jours fixés, elle hante la demeure des vivants. Les Mânes se confondent plus ou moins avec les autres dieux de la maison, Lares et Pénates. La génie propre du père de famille est leur émanation ; il est représenté par le serpent qui sort de terre pour venir goûter aux offrandes du foyer familialˮ. Il n’y a donc rien d’extraordinaire à ce que la Porte des Mânes, qu’ils franchissent notamment à la nuit des Lemuralia, se trouve dans la chambre du père de famille ». Picard résume sa pensée dans le contexte de la Maison en tant que Sanctuaire: « L’origine du thème du franchissement de la paroi se trouve donc, à notre avis dans ces vieilles croyances italiques, très vivantes à Pompéi comme le prouve l’existence dans chaque maison d’un laraire et d’un autel familial. Le replacement de la porte par la tholos s’explique également sans difficulté dans cette perspective : la destination la plus courante du pavillon circulaire à colonnade est en effet funéraire : elle représente le tombeau de l’ancêtre protecteur de la famille » (Picard, 1968, p. 97).
La remarque de Picard que certaines peintures murales représentaient des façades de tombeaux et que ces œuvres, ainsi que d’autres objets, insufflaient de concert une apparence de sanctuaire à la maison est tout aussi étonnante qu’exaltante. Plus précisément, car presque tous les autres écrivains ont, à ce sujet, évité le problème de la signification. Il se peut également que Picard en personne ait fini par la trouver trop radicale, puisqu’il ne s’est pas étendu sur le sujet. Néanmoins, s’il a raison et que les motifs d’entrée sont effectivement des indicateurs et des symboles liés aux mondes métaphysiques, il nous faut désormais étudier la façon dont la peinture murale parvenait à créer cet effet et surtout, pourquoi était-elle investie de cette mission? [cf. les publications de Gilles Sauron: La Peinture Allégorique à Pompéi – Le Regard De Cicéron (2007) et Les Décors Privés Des Romains (2009), comptent parmi les quelques rares exemples de qualité à situer la peinture murale romaine dans son contexte contemporain pour les domaines de la politique, la philosophie, la mythologie et l’allégorie].
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