Les entrées : signes et symboles

La thèse qui sous-tend la proposition de Gilbert-Charles Picard, telle qu'énoncée dans le chapitre précédent, est parfaitement résumée dans le terme archéologique de fausse-porte, créé à la base pour décrire les peintures ou les bas-reliefs représentant des fausses-portes que l’on trouvait à l’intérieur ou à l’extérieur des anciens tombeaux (Picard, 1968, p. 77). Les Égyptiens ont été parmi les premiers à utiliser ce motif ; les hiéroglyphes et l’iconographie qu’ils y associaient en faisaient une entrée symbolique vers un monde souterrain habité par l’âme des défunts (fig. 1 et 2). Selon Picard, les fausses-portes dans les peintures murales romaines du deuxième style jouent à la fois un rôle d’indice au sens sémiologique du terme et de symbole, étroitement lié à la tragédie et à la catharsis. À la tragédie parce que l’image de la fausse-porte provient du deuil et à la catharsis en raison des sentiments bienveillants associés à la commémoration et au rituel symbolique du souvenir, tel que de permettre au défunt de réinvestir une forme durable. Les tombes étrusques de Tarquinia, au nord de Rome, prouvent l'existence d’une phase intermédiaire se situant entre les fausses-portes égyptiennes et romaines. La Tombe des Augures en est un exemple particulièrement éloquent (fig. 3). Dans cette sépulture, la porte est représentée dans le fond de la chambre, de la même manière que l’étaient les peintures et bas-reliefs égyptiens de fausses-portes, mais l’édifice comportait en plus une représentation de personnages se lamentant placé de chaque côté de la porte et des motifs funéraires sur les murs latéraux.

Contrairement aux fausses-portes égyptiennes et étrusques, les représentations romaines ont été mises en contexte par des représentations en perspective très sophistiquées. En plus d’incarner des entrées illusoires et d’évoquer des domaines métaphysiques, les fausses-portes romaines étaient ressenties aussi bien physiquement qu’émotionnellement. Le sentiment d’être là, qu'avait l’observateur, était engendré par une interaction sophistiquée entre l’espace réel et le virtuel. Ces deux espaces interagissent de manière harmonieuse, car le spectateur de la porte est invité à regarder par-dessus un mur ou à travers un portail afin d’expérimenter physiquement et émotionnellement l’espace situé derrière le mur (fig. 4). Une fois que la personne croit en ce monde virtuel, la véritable identité fétiche des peintures est révélée par le biais d’allusions iconiques. Il ne s’agit plus d’une simple représentation picturale d’une entrée mais bien d’une mise en scène où les protagonistes (les membres de la maisonnée) jouent leur vie quotidienne à la fois quelconque et ritualisée.

La porte de Boscoreale dans la villa di Fannius Synistor, que Picard a identifiée comme étant une porte vers un monde métaphysique, est une des nombreuses peintures murales romaines découvertes qui auraient toutes corroboré sa thèse. Si les tombes antiques d’Aigéai à Vergina avait été mises au jour, il aurait également pu faire un parallèle très convaincant entre la porte de Boscoreale et la tombe présumée de Phillipe II de Macédoine (fig. 5). Tout comme la porte de Boscoreale, cette sépulture est surmontée d'une frise représentant une scène de chasse par dessus, confirmant ainsi davantage l’observation de Picard où ce motif était utilisé dans un contexte funéraire. La chasse et l’exécution d’un sanglier sauvage signifiaient certainement le triomphe de l’immortalité sur la mort pour les raisons suivantes. Premièrement, les sangliers semblaient généralement avoir une apparence malfaisante ou démoniaque, car ils utilisent leur groin pour chercher des racines et des truffes, une technique à l’origine de l’épaisse croûte de boue sur leur tête. Deuxièmement la mythologie grecque les décrivait comme étant l'instrument de la mort, puisque dans les récits, un sanglier avait attaqué Adonis, la personnification de la beauté et de la jeunesse.

Fausses-Portes
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