Les fausses-portes et les signifiants qui y sont associés

Les peintures murales de la villa dei Misteri et de la villa di Poppea contiennent plusieurs exemples de motifs de portes qui semblent fonctionner de la même façon que l’imagerie de la fausse-porte dans l’iconographie égyptienne. Ces œuvres appuient donc la proposition de Gilbert-Charles Picard d'images métonymiques dessinées dans le but d’évoquer les passages entre les mondes physiques et métaphysiques. Les peintures dans ces villas nous donnent un aperçu des différentes manières dont le motif de l’entrée a été adapté afin de fonctionner dans les espaces publics et privés. L’image de la porte sur le mur du fond de l’oecus (pièce 6) de la rustique villa dei Misteri, située dans la périphérie de Pompéi, présente toutes les caractéristiques formelles liées à la représentation publique des ancêtres et au culte des dieux (fig. 1). Elle est représentée dans une position surélevée honorifique semblable aux portes d’un temple et sur les murs latéraux sont représentées des guirlandes sacrificielles semblables à celles retrouvées dans les tombes et sur les parois des sarcophages.

Par contre, la représentation de la fausse-porte de la pièce 16 se trouve dans un environnement privé, un cubiculum ou chambre à coucher. La pièce est constituée de deux alcôves où des lits étaient autrefois disposés. Les deux murs latéraux de l’alcôve située en face de l’entrée étaient le support de représentations de portes en ivoire et en écailles de tortue au-dessus desquelles on peut apercevoir le sommet des sanctuaires, prouvant ainsi que les portes étaient l'entrée d'un téménos, un sanctuaire muré ou un espace sacré (fig. 2). L’alcôve adjacente évoque pour sa part la tholos d'un sanctuaire (fig. 3). Des colonnes, des architraves perpendiculaires et un fronton brisé suggèrent la présence d’une entrée, une hypothèse contredite par la présence d’un haut mur. Un rideau tiré par-dessus le mur renforce l’idée de barrière derrière laquelle on peut voir la tholos contenant une statue. De telles compositions suggèrent que les occupants de la chambre pourraient avoir utilisé ces peintures comme des éléments psychologiques déclencheurs qui leur permettaient de communier avec les dieux et les esprits de leurs défunts ancêtres ou de chercher leur protection.

Plusieurs pièces de la villa di Poppea, située entre Pompéi et Herculanum, affichent également des représentations de fausses-portes indiquant une communion publique et privée avec les mondes métaphysiques. Cette villa contient aussi quelques adaptations génériques de fausses-portes où des motifs d’entrée ont été utilisés en tant que symboles eschatologiques. Le grand atrium (pièce 5) renferme la quintessence des adaptations de fausse-porte typiquement romaines, consistant en quatre portes honorifiques, deux sur chaque extrémité des murs latéraux (fig. 4). Chacune des quatre portes incrustées d’ivoire et d’écailles comporte des Victoires ailées sur les sections supérieures et une certaine forme d’image sacrificielle sur les marches menant à ces divinités. Les portes sur le mur ouest sont les plus visibles, et sur la porte la plus éloignée de l’entrée, un flambeau allumé tourné vers le haut est placé sur les marches, une position qui normalement symbolise une procession funéraire, alors qu'un flambeau éteint tourné vers le bas évoque la mort. Cette connotation est renforcée par la frise au-dessus de la porte représentant une allée de tombes semblables à celles qui bordent les routes menant à des villes comme Pompéi et Herculanum (fig. 5). Le mur est et le mur ouest de cet immense atrium sont le reflet l’un de l’autre à l'exception des images sacrées et apotropaïques, tels un thymiaterion (encensoir) et une cista mistica (récipient richement orné associé à des rituels sacrés).

Fausses-Portes
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