Le concept du mur et de la peinture murale comme moyen efficace de communication profonde semble bien absurde à notre époque saturée par tant de formes complexes de communication instantanée. Cependant, dans la Rome antique, les murs des lieux publics ou privés étaient utilisés comme les principaux moyens de communication et comme une surface fondamentale pour y apposer sa marque, à l’échelle locale ou pour la postérité. Alors que les nombreux slogans des campagnes électorales plaqués sur les murs avaient une courte durée de vie et que les graffiti sollicitaient le peuple ou répandaient des insultes, d’autres formes d’inscriptions murales étaient destinées à la postérité. Par exemple, les «épigraphes survivaient assurément à leurs auteurs. Dans le cas de Pompéi, cela s’est avéré être une réalité prophétique. Des inscriptions, telles que … vous qui passez, souvenez-vous de moi car autrefois j’étais comme vous…, étaient des évocations très puissantes d’une vie autrefois vécue et des rappels effrayants de notre propre mortalité. À la place des mots, les peintures murales utilisaient des compositions picturales très sophistiquées pour immortaliser et commémorer les défunts, ainsi que faciliter la communion avec les mondes métaphysiques.
L’image sur la droite résume en de nombreux points l’ambigüité sous-jacente associée aux peintures murales de fausses-portes. Les Victoires ailées tiraient-elles sur les heurtoirs à tête de lion pour ouvrir la porte et accueillir le défunt, ou ouvraient-elles la porte pour libérer les esprits des morts afin qu’ils puissent renaître? La présence de palmiers phoenix dactylifera confirme la seconde hypothèse : le motif de la palmette était un symbole omniprésent d’immortalité, car comme leur nom le suggère, ces palmiers semblaient faner et mourir pour ensuite renaître d’eux-mêmes. Les fausses-portes dans les peintures murales romaines sont à la fois une entrée et une sortie comportant de très nombreux symboles d’immortalité..
Libéré de la plupart des filtres modernes qui altèrent et contaminent notre compréhension actuelle des peintures murales romaines, Fustel de Coulanges a, en 1865, résumé avec perspicacité le concept de la maison romaine en tant que sanctuaire et les impératifs spirituels justifiant la présence de fausses-portes à l’intérieur des maisons.
« Sa maison est pour lui ce qu’est pour nous un temple; il y trouve son culte et ses dieux. C'est un dieu que son foyer; les murs, les portes, le seuil sont des dieux; les bornes qui entourent son champ sont encore des dieux. Le tombeau est un autel, et ses ancêtres sont des êtres divins.
Chacune de ses actions de chaque jour est un rite; toute sa journée appartient à sa religion. Le matin et le soir il invoque son foyer, ses pénates, ses ancêtres; en sortant de sa maison, en y rentrant, il leur adresse une prière. Chaque repas est un acte religieux qu'il partage avec ses divinités domestiques. La naissance, l’initiation, la prise de la toge, le mariage et les anniversaires de tous ces événements sont les actes solennels de son culte [...]
Chaque jour il sacrifie dans sa maison, chaque mois dans sa curie plusieurs fois par an dans sa gens ou dans sa tribu. Par-dessus tous ces dieux, il doit encore un culte à ceux de la cité, Il y a dans Rome, plus de dieux que de citoyens. »
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