Les fausses-portes de Picard revisitées

Sur le mur adjacent à la représentation de la fausse-porte ayant incité Gilbert-Charles Picard à émettre des hypothèses sur l’utilisation symbolique des portes dans les peintures murales romaines, se trouve une autre peinture qui étaye sa théorie où les fausses-portes représentaient des entrées vers des mondes métaphysiques. Le Musée Royal de Mariemont en Belgique abrite actuellement cette peinture (fig. 1). Dans cette composition caractéristique du portail, une divinité apparaît dans la tholos d'un téménos que protègent des masques apotropaïques accrochés de chaque côté de la peinture. La présence de cet être divin renforce non seulement la théorie des fausses-portes de Picard mais suggère également que des repas commémoratifs étaient donnés dans ce triclinium, ou salle à manger, en l’honneur des dieux et des ancêtres érigés en héros. La couronne de Zeus surmontée d’une figure ailée au-dessus de la frise représentant une scène de chasse peut très bien indiquer que le sanctuaire derrière la fausse-porte de Picard est protégé par Zeus (fig. 2).

L’une des rares peintures qui brossent le portrait d’une divinité sortant d’une porte à moitié ouverte a été découverte au fond de la casa di M. Fabio Rufo. On pense qu’il s’agissait de Vénus, la divinité par excellence de Pompéi. Pour les raisons que nous avons expliquées précédemment, les peintures ont été recouvertes et son image a été remplacée par celle d'un candélabre (fig. 3).

Quatre fausses-portes retrouvées dans une seule pièce sur le mont Palatin à Rome représentent clairement des entrées vers des sanctuaires (fig. 4). Elles se trouvent dans une maison qui aurait appartenu à Auguste et leur utilisation de références à Apollon, telles que des cygnes, des griffons et des carquois, renforce cette hypothèse. Auguste considérait Apollon comme sa divinité talismanique, et pour le remercier de lui avoir accordé la victoire sur les armées de Marc-Antoine et de Cléopâtre, il lui a dédié un temple érigé à côté de sa maison sur le mont Palatin à Rome. Ainsi, il pourrait avoir transformé cette pièce de son empire personnel en un sacrarium dédié à Apollon afin de le vénérer tandis qu’il s'entourait également de sanctuaires voués à son dieu protecteur et certainement aussi à ses ancêtres.

Une représentation encore plus mystérieuse d’une divinité apparaît sur une peinture murale de la pièce H de la villa Boscoreale. À plusieurs égards, cette peinture agit véritablement comme une métaphore pour toutes les peintures murales de fausses-portes étant donné qu’elle cache et révèle à la fois la présence d’une divinité. La pièce entière est recouverte de grandes peintures figuratives représentant les trois grâces ainsi que d’autres personnages encore inconnus dont beaucoup fixent ostensiblement l’intérieur de la pièce (fig. 5). À la droite du mur latéral droit, se trouve une porte proprement dite et  à la gauche de celle-ci, on découvre le portrait d’une femme portant un bouclier poli où se reflète l’image d’un homme nu (fig.6). Dans l’ouvrage Roman Wall-Paintings from Boscoreale in the Metropolitan Museum of Art, Phyllis Lehmann décrit la chambre H comme dédiée à  Adonis et à ce titre, utilisée pour le culte de cette divinité et sa commémoration. Auquel cas, le reflet sur le bouclier pourrait être le retour de son image spectrale, rendant ainsi la configuration du personnage, du bouclier et de la porte extrêmement émouvante, puisque la porte joue alors une double fonction, à la fois réelle et symbolique.

Fausses-Portes
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