Luxe et discours polémique stoïcien

Dès le début du IIe siècle av. J.-C., des hommes, comme Caton l’Ancien, républicain dévoué, ont averti leurs compatriotes des effets néfastes de l’acquisition de produits de luxe étrangers, source de décadence. À la fin de l’époque républicaine et à l’époque impériale, les discours de ce genre sont devenus plus fréquents et de plus en plus dirigés contre les individus accusés d’abandonner les valeurs stoïciennes « traditionnelles ». Dans certains cas extrêmes, des actions en justice s’en sont suivies (Whitehorne 1969, p. 28).

Malgré que la plupart des textes antiques polémiques à propos du luxe portait sur l’acquisition de marbre, ils ont néanmoins servi de référence pour plusieurs auteurs après 1980 afin de remettre la peinture murale en contexte, comme témoignage de luxe et de statut. Les deux facteurs en grande partie responsables de cette situation sont la pénurie de textes antiques évoquant les peintures murales et le fait qu’elles soient les artefacts les plus visibles à avoir survécu dans la maison romaine. Le marbre, quant à lui, a servi de preuve pour illustrer les discours républicains condamnant la possession de biens ostentatoires à titre privé. L’importation du marbre a fini par être synonyme de contamination des idéaux romains à travers des cultures décadentes et efféminées. Le marbre a été omniprésent dans les discours sur le luxe, principalement à cause de sa capacité à transformer instantanément la médiocrité en magnificence, et ce, grâce à un fin placage, créant ainsi la métaphore idéale pour les philosophes stoïciens, tels que Sénèque, qui l’associait à la superficialité et à ne posséder que « le vernis du bonheur » (Sénèque ép.90, 25). Mais la faculté des peintures murales à transformer des murs  en imitant le marbre grâce à des couches toujours plus fines (de peinture) semble n’avoir posé aucun problème d’ordre éthique aux détracteurs de la République et de l’Empire. En revanche, les objets en or, l’argenterie, les bronzes et les habits raffinés, en plus du marbre, étaient considérés par des hommes comme Sénèque, Lucain et Horace comme une preuve de la dégénérescence causée par la recherche du luxe.

Lorsque Pline l’Ancien nous dit qu’extraire du marbre uniquement pour l’utiliser comme produit de luxe est un péché contre nature, il parle du point de vue d’une personne encore attachée aux valeurs républicaines (Pline, HN, 36.9.125). Les valeurs en question renvoient à l’austérité et à la piété dans la sphère privée. Les édifices publics, par contre, étaient considérés comme le reflet de l’édification publique et donc les basiliques et les temples demandaient de coûteuses façades en marbre coloré (Pline, HN, 36.24.102). De façon similaire, Auguste a largement souligné que, sous son règne, Rome est passée d’une ville de brique à une ville de marbre étincelant. Par contre, il faisait preuve de stoïcisme dans le privé en résidant dans un environnement assez modeste. Par ailleurs, Sénèque, environ quatre-vingts ans plus tard, ne voyait aucune différence entre les usages publics et privés du marbre, et critiquait « […] les maisons et les temples resplendissaient de marbre […] », car « […] sous le marbre et l’or loge la servitude » (Sénèque, Ep. 90.25 et 88.18-20). Alors que, quelques années plus tôt, Cicéron faisait remarquer que « […] le peuple romain déteste le luxe privé, ce qu’il aime c’est la magnificence publique » (pro-Murena 36). La critique émise par Sénèque a des similitudes dans sa forme avec certaines conceptions de son professeur, le rhétoricien et philosophe Papirius Fabianus (Whitehorne, 1969, p. 34). Sénèque recourait au thème de l’immortalité associée à un luxe matériel excessif à la fois pour critiquer l’excès de luxe et pour établir un contraste avec les objectifs enrichissants de la philosophie.

 

La peinture murale et la maison en tant que palais
Paint as marble
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Les murs intérieurs du cubiculum 6 de la Villa dei Misteri illustrent parfaitement la façon dont la peinture et les techniques de perspective étaient utilisées pour représenter des mondes virtuels faits de murs en marbre au-delà desquels se trouvaient des images architecturales. Ces compositions éloignent subtilement la réalité physique des murs de la pièce et les remplacent par un environnement ressemblant à un sanctuaire. La chambre dégage alors une impression de tranquillité et de sécurité.