The Spirits Released : De Chirico and Mataphysical Perspective
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La porte en trompe-l’œil dans cette peinture de Synistor est à taille réelle et donne donc, au vu de la pièce où elle est peinte, l’illusion d’être une porte réelle. Cependant, contrairement à une vraie porte, celle-ci est hermétiquement fermée au moyen de la peinture. Dans L’Art romain , Gilbert Picard interprète ce genre de peintures dans le contexte des croyances religieuses romaines. Il leur attribue une fonction d’entrées et de sorties symboliques du monde de l’au-delà – il en fait ainsi des représentations picturales très sophistiquées soit de façade de tombes soit d’entrée aux Enfers, voire les deux (Picard 1970: 97). La porte dans la peinture de Synistor est accompagnée d’un éventail complexe d’images comme la silhouette ailée au-dessus de la couronne de Zeus, les masques démoniaques ainsi que le candélabre sur pied lui aussi orné de nombreuses figures ailées. En plus de ces images, Picard estimait qu’un signifiant primaire transforme, plus que tout autre, la porte et la peinture murale dans son entièreté en une façade de tombe peinte. Situé directement au-dessus de la porte, il s’agit d’une frise décrivant la chasse du sanglier calédonien (fig. 1). Des scènes de chasse comme celle-ci ont été sculptées de part et d’autre de nombreux sarcophages étrusques et romains, ce qui nous amène à présumer qu’elles servaient de motif funéraire associé à « l’assassinat de la mort » symbolisée par le sanglier. Si l’on compare cette peinture avec celles plus anciennes des tombes étrusques comme la tombe des Augures, nous pouvons constater que le motif de la porte est utilisé dans un contexte similaire (fig. 2). Des Augures se lamentant de chaque côté de la porte remplissent une fonction cathartique similaire à celle figurant sur la frise de la chasse. Les deux portes sont, sans aucun doute, emblématiques de la porte impénétrable de la vie dans l’au-delà qui était un trait caractéristique des anciennes croyances égyptiennes, étrusques et romaines.

Quelques peintures du style tragique, comme celles de la Salle des Masques de la villa d’Auguste sur le Mont Palatin à Rome, nous offrent la rare opportunité de voir à travers une large ouverture dans un espace ouvert au-delà du mur (fig. 3). Dans ce monde jusqu’à présent caché, nous nous trouvons confrontés à une colonne sur laquelle se trouve une urne funéraire. Au-delà de cela nous voyons des formes imprécises de silhouettes indistinctes semblant flotter dans un vide spatial mystérieusement éclairé par une lumière flamboyante. La lumière intense qui envahit ce lieu n’est pas la même que celle qui frappe la façade architecturale sur chaque côté de l’entrée. Les sources respectives de ces illuminations émanent de différents côtés du mur. Picard décrit ce lieu au-delà du mur comme un « sanctuaire rural » dans lequel la divinité ou l’esprit de l’ancêtre héroïsé est symbolisé par la colonne et l’urne. Les images d’oiseaux renforcent traditionnellement l’évocation d’une présence spirituelle. Toute envie soudaine de pénétrer cet espace sacré est aussitôt chassée par la fureur apparente des masques démoniaques, les gardiens de l’entrée. Il fait pertinemment remarquer qu’ « au-delà du mur, on trouve également une dissolution de la forme et une utilisation presque surréaliste des couleurs », (On se demande à qui il pensait ?) (Picard 1970: 97))

 

1
Room of the Augurs 2
3
1. Hunt for the Calydonian Boar, Triclinium, c. 50 BC, Villa of Fannius Synistor, Boscoreale
2. Tombe of the Augurs, Tarquinia, c. 400 BC
3. Room of the Masks, c.
20 BC, House of Augustus, Palatine Hill, Rome
Bibliography