The Spirits Released : De Chirico and Mataphysical Perspective
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Picard se penche alors sur l’idée osée que ces peintures représentaient des façades de tombes imagées, suggérant que cette possibilité a « été universellement négligée jusqu'à ce jour parce que personne n'était préparé à admettre qu'un Romain pouvait faire représenter la façade d'un tombeau sur le mur de sa chambre, motif il est vrai peu favorable aux pensées agréables et susceptible au contraire de causer d'horribles cauchemars surtout chez des gens qui croyaient aux esprits – c’est-à-dire alors presque tout un chacun. Cependant cette idée en apparence absurde le semble moins si l'on se rappelle quelques aspects bien connus de l'ancienne religion romaine ». (Picard 1970: 97). Ainsi, pour renforcer sa thèse, Picard cite Albert Grenier : « Le tombeau est originairement commun à la famille. L'âme de l'ancêtre est censée y survivre mais, à des jours fixés, elle hante la demeure des vivants. Les Mânes (les ombres des morts) se confondent plus ou moins avec les autres dieux de la maison, les Lares et Pénates. Le génie propre du père de famille est leur émanation : il est représenté par le serpent qui sort de terre pour venir goûter aux offrandes du foyer familial ». (Grenier Religion Romaine p.87)

Picard continue : « Il n’est donc pas extraordinaire que la Porte des Ombres par laquelle ils passent notamment la nuit de la Lemuralia se trouve dans la chambre du père de famille. L’origine de ce thème du passage à travers les murs existe par conséquent, à notre avis, dans les anciennes croyances italiennes qui ont été très vivaces à Pompéi comme le prouve l’existence d’un lararium et d’un autel familial dans chaque maison ». (Picard 1970: 97)

Dans la citation ci-dessus, Picard nous révèle l’un des faits les plus extraordinaires concernant les peintures du style tragique : elles étaient situées sur les murs des chambres du maître. Avoir une façade de tombe sur une peinture murale grandeur nature est étonnant en soi mais l’avoir dans sa chambre l’est encore plus, particulièrement si l’on tient compte des connotations macabres associées à une telle image. Pourtant, dans l’ancien contexte romain, la pièce apollinienne dédiée aux rêves semble avoir été le lieu idéal pour accueillir ce genre d’image médiumnique ; une image qui pourrait avoir facilité la communion rituelle avec les esprits protecteurs et les ancêtres de la famille. La présence d’une imagerie culinaire votive appuie cette théorie. Le Museo Archeogico Nazionale di Napoli accueille un exemple marquant où des motifs votifs tels les poissons sont suspendus de part et d’autre d’un sanctuaire ouvert tandis qu’une femme dépose une poire surdimensionnée en face d'une tholos (fig. 1–2). Les motifs culinaires votifs dans les peintures murales du style tragique situées dans les triclinia (salles à manger) indiquent également qu’un rituel de communion était associé au dîner (fig. 3). Il n’était pas rare de dresser un couvert supplémentaire dans un banquet romain pour les âmes des disparus ou de sacrifier de la nourriture aux dieux.

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1. Vignette from a larger wall-painting, Herculaneum, now in the National Archaeological Museum, Naples
2. As above, detail, woman perfoming a sacrificial act
3. C
ulinary votive imagary (detail) M Lucretius Fronto, Pompeii
Bibliography