The Spirits Released : De Chirico and Mataphysical Perspective
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La description de Picard de la peinture de Synistor en tant que façade de tombe imagée représente une percée capitale dans notre compréhension des peintures romano-campaniennes. Cependant, je crois qu’il est techniquement plus correct de se référer à ces façades en utilisant le terme « fanum », un endroit sacré dédié à une déité ou un mémorial situé au cœur d’une maison. En effet, qualifier ces peintures de façades de tombes est problématique car cela implique une entrée dans une chambre mortuaire. En 45 av. J.-C., dans une lettre adressée à son ami Atticus, Cicéron fait clairement la distinction entre tombe et fanum lorsqu’il lui demande de superviser la construction d’un fanum à la mémoire de sa fille unique. « Je souhaite construire un fanum et ce vœu ne peut pas être extirpé de mon cœur. Je suis soucieux d’éviter tout ressemblance avec une tombe, non pas en raison de la sanction promise par la loi mais afin d’atteindre aussi près que possible une apothéose. Cela peut se faire si je le construis dans la villa elle-même… » Cicéron se réfère sans doute à l’édit interdisant tout enterrement à l’intérieur d’une demeure comme le voulait une ancienne coutume. Le fait que Cicéron désire garder le souvenir de sa fille à l’intérieur de sa maison a une résonance particulière pour cet essai. (Pour plus d’information cf. W. W. Fowler, The Religious Experience of the Roman People, Macmillian, Londres, 1933, p. 146 et p. 385).

Le lien entre la peinture du style tragique et la chambre des rêves nous fournit la première clé (indubitablement la plus complexe) du rapport mystérieux entre les premières peintures métaphysiques de De Chirico et ces peintures murales antiques : la relation entre la peinture et l’onirique. De Chirico et ses prédécesseurs se sont engagés dans la projection d’un monde qui était influencé d’une manière significative par les rêves. Dans le cas du modèle ancien, sa situation suggèrerait aussi que ces peintures étaient utilisées pour influencer l’état de rêve lui-même (fig. 1). Les manifestations des rêves de De Chirico étaient peut-être censées avoir un effet similaire mais sur un esprit conscient, prenant ainsi la forme de rêves éveillés (fig. 2). Friedrich Nietzsche, son mentor philosophique tout au long de sa vie, a joué un rôle important en le dirigeant dans cette direction, particulièrement avec ses descriptions de l’artiste idéal : « L’homme qui sent en lui un excédent de ces forces qui embellissent, cachent, transforment, finira par chercher à s’alléger de cet excédent par l’œuvre d’art. » (Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, vol. 6, p. 110, Mercure de France, Paris, 1902, 2e édition) ; « Par la puissance du rêve apollinien, son propre état, c’est-à-dire son unité, son identification avec les forces primordiales les plus essentielles du monde, lui est révélé dans une vision symbolique. » (Œuvres complètes de Frédéric Nietzsche, vol. 1, p. 34, Mercure de France, Paris, 1906, 4e édition).

Dès 1914, Ardengo Soffici a décrit les peintures de De Chirico « …comme la mise par écrit de rêves qui ont contenu des lumières et des ombres funèbres » (Soffici a Milano, Lacerba, vol. 11, no 13, Florence). Dans son article « Surréalisme et métaphysique » paru dans Metaphysical Art (Massimo Carra et al., 1971:175), Patrick Waldberg insiste longuement sur le rapport à la mort. Il y décrit la peinture de De Chirico comme « …une scène peuplée de fantômes matérialisés, de désirs perdus, d’obsessions latentes, des lieux au-delà du temps dans lequel le présent, le passé et le futur fusionnent. “La mort est la seule pièce qui se meut librement et dans n’importe quel sens sur l’échiquier de De Chirico”. » (Waldberg ne donne pas de référence pour la dernière citation qui est à attribuer à Jean Cocteau 1928: 81).

 

Villa of the Mysteries Bedroom 16 1
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1. Wall-painting cubiculum 16 (bedroom), Villa of the Mysteries, Pompeii, c. 50 BC. The pictorial door appears to lead to a sanctuary. Just visible above the adjacent wall is tholos, a circular colonnaded shrine dedicated to divinities or departed ancestors.

2. Giorgio de Chirico Metaphysical Interior with Factory 1969. The sleeping figure of Ariadne is shown in the nearest inserted painting and the frock coated statue, possibly a reference to his deceased father, is seen in the rear inserted painting.

 "Surréalisme et la métaphysique", Metaphysical Art, (Massimo Carra et al, 1971:175), insiste clairement sur la relation avec la mort. Dans cet article, il décrit  les peintures de De Chirico comme  « … une scène peuplée de fantômes matérialisés, de désirs perdus, d’obsessions latentes, des lieux  au-delà du temps dans lequel le présent, le passé et le futur fusionnent. « La mort est la seule représentation qui se meut librement sur l’échiquier de De Chirico. » (Wallberg ne donne pas de référence pour la dernière citation qui, je crois, est à attribuer à Jean Cocteau 1928: 81).

Bibliography