Les nombreux motifs funéraires et votifs qui apparaissent dans les anciennes peintures murales romaines du style tragique ainsi que dans les œuvres de De Chirico au xxe siècle évoquent la présence d’un autre monde. Dans les deux cas, cette sensation est renforcée psychologiquement par l’utilisation de systèmes de perspective. Même s’ils sont considérés à travers les standards post-Renaissance, ils attestent tous deux d’une compréhension extrêmement sophistiquée, si ce n’est des lois de la perspective, tout au moins de la psychologie visuelle les entourant. Des peintures comme celles trouvées dans la Villa di Poppea (Oplontis) et la Maison de Fabio Rufo impliquent le spectateur sur un niveau phénoménologique hautement efficace malgré le fait qu’elles ne soient pas conformes aux règles mathématiques et géométriques développées à la Renaissance (fig. 1–2). En effet, si les peintres antiques et De Chirico avaient adhéré à ces règles, leurs peintures n’auraient pas atteint le méta-texte psychologique que nous leur associons. En d’autres termes, le contenu latent a déterminé l’organisation de la forme elle-même. Tandis que les peintures de De Chirico reposaient sur le mariage de la métaphysique et de la poésie, les anciennes peintures murales étaient caractérisées par les réalités virtuelles du trompe-l’œil en quête de mondes métaphysiques. Afin de produire une image picturale du monde visible, il faut bien entendu appliquer les règles précises de la perspective. Si en revanche on essaie de créer un monde métaphysique onirique, la précision optique des règles de la perspective gêne cet objectif. De ces peintures anciennes et contemporaines, il est important de retenir qu’à travers l’illusion dramatique et la métaphore, un état transitoire de conscience est créé entre le physique et le métaphysique.
Le métaphysique spatial associé à la peinture romano-campanienne de style tragique semble être une métaphysique dans laquelle la perspective désigne un monde qui n’est normalement pas visible, habité par les ancêtres et les êtres divins. Par conséquent, si nous considérons notre modèle transtextuel, il est possible d’établir une connexion entre la perspective et la métaphysique, aussi incompréhensible (voire inquiétante) soit-elle au vu de la relation qu’elle suppose entre la vie, le surnaturel et la mort. D’un point de vue plus conceptuel et peut-être moins émotionnel, la connexion réside dans le potentiel que la perspective a de transférer nos pensées du corporel à l’incorporel, du physique au métaphysique. L’iconographie associée à ce transfert dans les peintures romano-campaniennes ne symbolise pas uniquement la mort mais aussi son contrepoint sous la forme de renaissance spirituelle, la continuation du voyage de l’âme dans l’autre monde et dans l’immortalité – son apothéose.