The Spirits Released : De Chirico and Mataphysical Perspective
14

L’artiste

Dans son Autoportait métaphysique (1919), De Chirico manifeste son intérêt pour le mur comme un signe psychologiquement puissant (fig. 1). Il s’y représente pointant du doigt derrière un mur pendant que son soi spectral se meut en direction d’une fenêtre ouverte. A la manière des peintures romano-campaniennes de style tragique, cette œuvre nous informe de l’existence d’un paysage au-delà de la pièce, un paysage inaccessible et inconnu qui nous est révélé par la mystérieuse silhouette comparable à un fantôme. Dans son vaste essai sur l’artiste allemand Max Klinger (1857–1920), De Chirico exprime clairement sa propre vision plutôt mélancolique du motif du mur. Il se réfère notamment à une peinture de Klinger intitulée La Promenade : « Devant un mur de brique, long et bas quelques hommes se promènent au soleil et l’ombre de leurs corps se profile sur le sol et remonte le long du mur. L'horizon est vide. Le mur semble marquer les limites du monde, comme si au-delà il ne pouvait y avoir autre chose : rien, le néant. Une sensation d'ennui, d'angoisse infinie – et ce questionnement que suscite la vision de la ligne d’horizon – envahissent le tableau et pénètrent les figures, la terre, les ombres, la lumière. » (La peinture décrite par De Chirico est certainement le tableau Spaziergänger (Le promeneur) peinte en 1878 par Klinger, fig. 2).

L’image du mur comme signe psychologique essentiel associé au voyageur apparaît pour la première fois en 1910 dans deux peintures majeures – L’Enigme de l’oracle et L’Enigme d’un après-midi d’automne (fig. 3–4). Ces deux peintures marquent le début de l’obsession, qui va le poursuivre toute sa vie, de De Chirico pour la silhouette imprécise du voyageur désespéré de Böcklin, tel que l’artiste l’a représenté dans Ulysse et Calypso, un tableau où Ulysse envisage l’éventualité qu’il ne rentrera jamais chez lui. Celui-ci a fourni à De Chirico une image emblématique du voyageur perdu, inspiré par Caspar David Friedrich (1774–1840), qui fixe mystérieusement l’horizon au-delà duquel se trouve un « vide » infini (fig. 5). Dans L’Enigme d’un après-midi d’automne, produit au début de sa carrière, De Chirico personnalise cette image en le représentant comme une statue sur un socle portant ses initiales. La silhouette de pierre regarde, au-dessus du mur, les voiles d’un bateau évoquant une arrivée ou un départ.

 

1
The Walker Max Klinger 1878 2 >
3
4
5
1. Giorgio de Chirico Metaphysical Self-portrait 1919
2. Max Klinger
The Walker I878
3. Giorgio de Chirico Enigma of the Oracle 1910
4. Giorgio de Chirico Enigma of an Autumn Afternoon 1910
5. Casper David Friedrich Sunset (brothers) c. 1835
Bibliography