Le contexte socioreligieux dans lequel ces peintures antiques de style tragique s’inscrivaient reste matière à conjecture. Cependant, qu’il s’agisse ou non de simples peintures architecturales en trompe-l’œil ou de peintures issues de décors théâtraux ou, comme nous sommes nombreux à l’affirmer, de façades de tombes symboliques, cela ne change rien à leur iconographie. Chacune de ces peintures contient, sans exception, une référence à un motif de déification funéraire : un sanctuaire à peine visible au-dessus d’un mur, comme c’est le cas dans la Maison du Labyrinthe, ou une urne funéraire contenant les cendres d’un ancêtre, comme celle de la Salle des masques (fig. 1). En soi, les divers motifs funéraires présents dans ces deux peintures ainsi que dans beaucoup d’autres pourraient simplement être l’expression picturale des rites liés à la mort ou aux esprits des ancêtres décédés. Cependant, la manière dont ces peintures affirment et nient à la fois l’espace pictural suggère une interprétation plus complexe. Le motif le plus convaincant qui rend tant cette affirmation que ce déni de l’espace pictural est l’image du mur en trompe-l’œil. Cette caractéristique définit le style tragique et se retrouve dans des centaines de peintures de De Chirico (fig. 2–3).
Dans le style tragique ancien, la signification du motif récurrent du mur repose sur le fait qu‘il semble créer une barrière physique renforcée psychologiquement parce qu’il est positionné sur le même plan que le mur réel sur lequel il a été peint. Ainsi, le mur réel disparaît et l’illusion devient la réalité. Invariablement, le sommet du mur peint s’arrête avant celui du mur réel. Dans cet espace vide, les formes architecturales comme le péristyle et la tholos créent une illusion spatiale au-delà du mur peint et par conséquent du mur réel. De plus, la perspective atmosphérique renforce le sens d’un espace au-delà du mur peint et du mur réel. On trouve un exemple de cette vision sophistiquée de la fusion des mondes réel et virtuel avec la représentation de la tholos dans la peinture murale dans l’oecus corinthien de la Maison du Labyrinthe ainsi que dans la peinture du cubiculum M de Boscoreale, toutes deux citées précédemment.
La relation entre la perspective linéaire et atmosphérique dans de telles peintures est plus poétique que logique. Comme chez De Chirico, l’utilisation poétique de multiples points de fuite et d’ombres disloquées concourt à créer une atmosphère énigmatique qui baigne bon nombre de ses peintures. Dans la peinture du Labyrinthe, l’espace illusoire au-delà du mur est encore amplifié par l’alignement soigneux des colonnes dans la pièce elle-même. Les différents plans picturaux, tant réels qu’illusoires, se déploient d’une manière si naturelle qu’ils nous transportent, presque imperceptiblement, de la pièce au monde au-delà du mur. Or, il existe un paradoxe majeur contenu dans les anciens modèles : la perspective linéaire est utilisée pour créer un sentiment d’espace profond, ce qui incite notre psyché à entrer dans l’image plane. Cependant, quand nous essayons de le faire, nous en sommes empêchés par des murs ou des motifs de portes fermées comme ceux dépeints dans le triclinium de la Villa Publius Fannius Synistor (fig. 4). L’espace au-delà du mur est inaccessible – il est sacro-saint, comme le prouvent l’entrée murée dans la peinture du Labyrinthe et les masques démoniaques de chaque coté de la porte dans la peinture de Synistor. En effet, toutes deux renforcent l’idée du caractère de sainteté inaccessible de l’espace au-delà de la porte.