The Spirits Released : De Chirico and Mataphysical Perspective
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Au cœur du mystère de la relation entre perspective et métaphysique dans l’œuvre de De Chirico réside la constatation qu’elle est déroutante au point d’en être inquiétante. Les 3-projections et en particulier la version metastasis montrent que tel est le cas. Elles soulignent le fait que la perspective qui fonctionne traditionnellement dans un contexte d’optique/mimétisme peut également intervenir dans un contexte désincarné. Elle parvient à dépeindre un monde au-delà de la physique, un monde suspendu entre dissolution et devenir – par essence, un monde métaphysique. Une telle observation peut sembler simpliste, spécialement à la lumière de ces soixante dernières années d’art moderne qui ont encouragé les excès qui s’en suivent quand l’égo d’un artiste reçoit une liberté totale pour créer toutes sortes de méta-mondes. Pourtant, au début du xxe siècle, la compréhension poétique de De Chirico des lois de la perspective et de leur potentiel métaphysique représente une révélation, voire un gigantesque progrès de conscience. Le changement radical que ces œuvres ont apporté à l’art visuel a indéniablement influencé beaucoup d’artistes du xxe siècle (pour la plupart mentionnés ci-dessus), même si leur niveau de compréhension était uniquement poétique comme le démontre le mot qu’ils utilisaient pour caractériser les premières peintures de l’artiste – énigmatiques.

The Tragic-Style

D’une certaine manière, l’œuvre de De Chirico demeurera toujours « énigmatique », et ce parce que, comme il l’a déclaré, l’émotion et non la théorie soutient ses peintures, les rendant ainsi hermétiquement résistantes à toute « explication ». Cette déclaration ne doit cependant pas nous empêcher de tenter de pénétrer plus profondément son énigme. Dans le mystère chronologique, il est désormais temps pour les peintures murales du style tragique de Pompéi et d’Herculanum d’entrer en jeu. Une peinture murale dans l’oecus corinthien de la Maison du Labyrinthe à Pompéi est un parfait exemple du style tragique (fig. 1). Elle dépeint un téménos ou un péristyle consacré dont l’entrée est murée mais au-delà de laquelle nous pouvons apercevoir un sanctuaire circulaire ou tholos. Cette peinture atteste d’une connaissance sophistiquée de la perspective, fait remarquable lorsque l’on sait qu’elle a été peinte près de 1400 ans avant que Brunelleschi et Alberti codifient les lois de la perspective. J’ai d’abord considéré cette interaction entre entrée (devenir) et sortie (dissolution) dans ces peintures antiques comme emblématique des qualités formelles définies par la projection metastasis. Il m’est par la suite apparu que les compositions métaphysiques de De Chirico n’entretenaient pas seulement un rapport conceptuel avec elles mais, plus je découvrais d’exemples du style tragique et plus je m’apercevais de la mesure dans laquelle l’œuvre de De Chirico partage avec elles de nombreuses similitudes de composition. Ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte que nombre de ces peintures antiques avaient été « littéralement » mises au jour après celles de De Chirico. Outre ce fait mystérieux, ma curiosité a été piquée par la possibilité que ces anciennes peintures fournissent un modèle d’analyse transtextuelle permettant d’explorer les compositions jusqu’alors hermétiques de De Chirico.

 

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1. Corinthian oecus in the House of the Labyrinth, Pompeii, c. 50s BC
Bibliography