La racine du mot tholos signifie « aller ou partir » et les origines de cette forme architecturale remontent au tumulus. Ainsi, le tertre funéraire est évoqué par la coupole, qui couronne toujours cette forme architecturale (fig. 1). En 1925, dans son roman onirique Hebdomeros, De Chirico fournit une indication de la signification qu’il a donnée à cette image architecturale tholos à Delphes est désignée comme le « temple de l’immortalité ». (Peter Owen, ed, p.73) La tholos combinée au mur n’est pas seulement un motif récurrent de son œuvre, il s’agit d’une caractéristique propre à ses Piazza d’Italia, un thème qu’il a souvent repris. Les tholoi de la série Piazza d’Italia apparaissent la plupart du temps empilées les unes sur les autres à la manière des jeux de construction utilisés par les enfants (fig. 2). Au début des années 1920, la série du Chevalier errant ne laisse planer aucun doute quant à sa véritable signification iconique. Dans Le Départ du chevalier errant, la tholos apparaît dans sa forme architecturale achevée, symbolisant un sanctuaire dédié aux divinités et aux âmes défuntes. (fig. 3–4). La peinture résonne d’une étrange atmosphère mélancolique associée au départ pour lequel il n’y a pas de retour. Ce Chevalier errant fait désespérément un signe de la main à la statue dans la tholos pendant que Charron, le passeur des âmes défuntes, lui fait traverser la rivière Styx pour commencer sa croisade sans fin.

Les similarités transtextuelles primaires qui lient l’œuvre de De Chirico aux peintures romano-campaniennes du style tragique s’expriment au travers du mur et de la tholosqui sont situés dans des systèmes équivalents de perspective disloquée. D’autres similitudes, moins évidentes, se retrouvent dans la couleur, l’échelle, l’utilisation de mises en abyme picturales ainsi que les nombreuses références classiques. Cependant, aux fins de cet essai, le mur et la tholos sont les deux images cruciales reliant cet artiste important du xxe siècle aux peintures murales anciennes. Parmi les connexions les moins évidentes entre les peintures métaphysiques de De Chirico et l’ancien modèle paradigmatique se trouvent les concepts de la peinture dans la peinture, les nombreuses références aux offrandes culinaires votives et les représentations d’Ariane. Sa forme sculpturale apparaît dans plusieurs tableaux et est invariablement peinte dans la position du sommeil sur un socle en face d’un mur derrière lequel se trouve la représentation de ce qui pourrait être une tholos (fig. 5). 

Les nombreuses références de De Chirico à Ariane endormie semblent indiquer qu’elle avait une signification tant personnelle que symbolique pour lui, évoquant sans doute à la fois l’utilisation par l’artiste de visions oniriques et le père disparu. La dernière page du roman nous montre l’aventureux héros Hebdomeros et son père décédé qui lui apparaît sous la forme de la déesse de l’immortalité.

La juxtaposition d’Ariane endormie avec le mur et la tholos fait écho à l’observation de Gilbert Picard concernant les façades des tombes représentées par les peintures murales du Second style ainsi que leur situation dans les chambres principales.

Le sommeil, la mort et le réveil spirituel s’avèrent être un fil conducteur de l’œuvre de De Chirico ainsi que des anciennes peintures murales du style tragique. Ariane, à l’instar de la personnification du sommeil involontaire (Hypnos) reflétant la mort (Thanatos), apparaît comme un symbole de réveil spirituel en raison de son ancienne association avec Dionysos, le dieu de l’autre monde associé à la « renaissance ».

The Spirits Released : De Chirico and Mataphysical Perspective
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1. Burial mound displaying a combination of tumulus (burial mound) and a colonnaded
tholos base, Algeria
2. Giorgio de Chirico The Tower 1913
3. Giorgio de Chirico Departure of the Knight Errant 1923
4. Giorgio de Chirico Departure of the Knight Errant 1923
5. Giorgio de Chirico - Piazza d'Italia 1967
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Bibliography