Le rapport qu’entretient Ariane avec le labyrinthe minoen, le Minotaure, Thésée et Dionysos figure parmi les thèmes principaux de De Chirico, particulièrement ceux envisageant la relation entre la métaphysique et la perspective. Par exemple, le voyage symbolique est représenté par le labyrinthe et la relation dysfonctionnelle qui existe entre temps et espace ; ce dernier exprime à son tour le pressentiment et la peur sublime signifiés par le Minotaure invisible, la perte et l’abandon incarnés par Thésée et Ariane ; finalement, le réveil spirituel qui, dans le cas de De Chirico, est le don de Dionysos vu par Apollon.
riane et Thésée représentent ensemble la perte puisque celui-ci l’a abandonnée sur l’île de Naxos après qu’elle l’a aidé à tuer le Minotaure et à s’échapper du labyrinthe. Cette trahison la plonge dans un profond et mystérieux sommeil dont seul Dionysos, le dieu de l’autre monde et de la renaissance, peut la tirer. Dans ce contexte-ci, le réveil d’Ariane est synonyme du réveil artistique que De Chirico déclare avoir vécu au contact des écrits de Nietzsche. Dionysos, le symbole de la métaphysique nietzschéenne, a réveillé Ariane de son mystérieux sommeil et, de l’aveu de De Chirico lui-même, Nietzsche a, à son tour, éveillé celui-ci à « ce que la peinture du futur pouvait être ». L’image de Dionysos (Bacchus) est aussi littéralement tissée dans les peintures murales du style tragique grâce à la référence emblématique des motifs de la feuille de vigne et du raisin (fig. 1).
La peinture dans la peinture
De Chirico emploie le concept de la peinture dans la peinture comme une mise en abyme joignant invariablement deux mondes liés mais juxtaposés. Des similarités avec les peintures murales du style tragique peuvent être clairement démontrées en comparant Intérieur métaphysique, 1946, avec une utilisation d’une mise en abyme en trompe-l’œil dans la Villa Fannius Synistor à Boscoreale (fig. 2–3). Les deux montrent une fenêtre cérébrale, une vue au-delà d’un espace déjà illusoire.