Nature morte évangélique (1916) est l’un des nombreux exemples de ses séries Intérieurs où il utilise des cartes au lieu d’insérer des peintures pour suggérer la présence d’un monde au-delà de la pièce (fig. 1). Or, qu’en est-il des motifs de nourriture sur la carte ? Le titre lui-même indique certainement un acte votif. Une version produite un an plus tard sous le même titre représente une statue, une référence plausible à une déité, regardant les biscuits en offrande (fig. 2). La Mort d’un esprit et Salutations d'un ami lointain renforcent cette théorie (fig. 3–4). Cette forme de peinture votive relie à nouveau l’œuvre de De Chirico aux anciennes peintures murales dans lesquelles les motifs votifs culinaires sont également placés devant des entrées comme celles évoquées précédemment au sujet de la Maison de Marcus Lucretius Fronto.
Toutes ses séries d’intérieurs soutiennent cette notion que l’intérieur est un signe « indexical » révélant un espace ou une présence au-delà. La peinture agit ici comme signe « indexical » et symbole – signifiant et signifié. Dans son tableau Nature morte métaphysique peint en 1973, soit cinq ans avant sa mort, De Chirico invoque à nouveau un thème exploré pour la première fois en 1916 qui révèle encore plus l’implicite de ses séries Intérieurs (fig. 5). On peut clairement voir l’esprit de l’ancêtre héroïsé, l’eidolon, qui a habité pendant près de soixante-dix ans les perspectives métaphysiques de l’espace profond de De Chirico. La présence jusqu’ici cachée apparaît enfin pour prendre les offrandes placées dans le foyer familial. Si nous considérons cette peinture ainsi que ses nombreuses versions de Temple dans la chambre, il apparaît alors une extraordinaire similarité entre son travail et le style tragique. Ces peintures font de la pièce un téménos, une enceinte murée semblable à celle du jardin sacré d’Apollon représenté dans la Villa Poppea (fig. 6) ou à celle de la peinture murale d’une tholos dans la Maison du Labyrinthe.