The Spirits Released : De Chirico and Mataphysical Perspective
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Si, comme l’art classique, la peinture de De Chirico n’est perçue qu’à la lumière de ses ornements ioniques, son ciment formel, elle devient elle aussi un art décadent et mort. Un temple est un temple, abstraction faite de celui des cinq ordres supportant le fronton. L’iconographie qui soutient le temple de De Chirico, sa métaphysique, tourne autour de son utilisation de formes architectoniques enfermées dans un extraordinaire système de perspective, ce qui vaut également pour la peinture murale du style tragique de Pompéi. L’orthogonal, le fondement de la perspective linéaire, est continuellement subverti, reconfigurant ainsi l’image de la vue sur le monde à la Renaissance en celle d’un monde déconcertant et spatialement perturbé. Dans les peintures de De Chirico, ce phénomène est accentué notamment par l’utilisation d’une perspective atmosphérique où diverses sources de lumière ajoutent une discontinuité temporelle à un monde déjà spatialement perturbé. Le temps n’a plus de cohérence avec l’espace – ce monde est au-delà de la physique.

3-Projections 1973-1980

Dans son essai sur le peintre français Gustave Courbet, De Chirico souligne sa propre fascination pour le potentiel conceptuel inhérent aux systèmes de perspective en posant la question suivante : « Qui peut nier l’existence d’une relation troublante entre la perspective et la métaphysique ? » Cette question provocatrice ainsi que mes tentatives pour la comprendre mais aussi y répondre m’ont conduit à entreprendre une étude approfondie de sa peinture Il Grande Metafisico (1917) qui s’est distinguée par une série de constructions tridimensionnelles produites entre 1973 et 1980 (fig. 1–2). Je ne connais pas la raison pour laquelle j’ai choisi ce tableau parmi des centaines d’autres. En y réfléchissant bien, mon choix a sans doute été guidé par le fait qu’il s’agissait d’un agent provocateur – le Grand Métaphysicien. Cette spéculation s’est donc centrée sur la transformation du motif principal en un objet quantifiable, un objet à examiner pour faire la lumière sur l’énigme perspective/métaphysique au cœur des ses peintures. La silhouette au fond de la peinture nous est d’abord apparue comme une explication de la hauteur physique de l’assemblage central censé représenter le Grand Métaphysicien. Cependant, la lecture approfondie de Soby a révélé que cette silhouette était tirée de l’œuvre de Böcklin, Ulysse et Calypso (1883), et représentait la figure héroïque d’Ulysse regardant désespérément l’horizon à la recherche de sa patrie illusoire (fig. 3). « Solennité affligée », tels sont les mots utilisés par De Chirico pour décrire cette silhouette dans un essai sur Böcklin publié en 1920 dans Il Convegno. Il n’était plus envisageable de tenter de réconcilier les dimensions physiques de Il Grande Metafisico avec les dimensions illusoires d’un héros mythologique.

 

Il grande metafisico 1 >
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Odysseus and Calypso 1883 3>
1. Giorgio de Chirico Il gande metafisico 1917.
2. Maurice Owen 3-projections (1973-1980), after Il grande metafisico, 1917.

3. Arnold Böcklin Odysseus and Calypso 1883
Bibliography