De l’imitation du marbre aux univers métaphysiques
Après avoir discuté de certaines questions liées à la peinture murale romaine dans les intérieurs privés, il est temps à présent d’examiner les peintures à proprement parler. Sans surprise, les endroits où elles ont été trouvées suivent le tracé de la colonisation romaine puisque des morceaux ont même été découverts en Jordanie, en Afrique et en Angleterre. À l’inverse de leur répartition géographique, les peintures murales présentent certains traits remarquablement similaires. Bien que leur composition soit assez variée, elles semblent toutes démontrer une interprétation étonnamment élaborée de l’espace pictural et de sa relation avec son environnement immédiat ; à tel point qu’August Mau a été capable de se fonder sur cette caractéristique pour élaborer sa classification en quatre styles de la peinture pompéienne, classification qui a fini par s’appliquer à l’ensemble de la peinture murale romaine d’une façon à la fois éclairante et problématique.
Bon nombre des problèmes sont issus de l’identification usuelle d’un « style » en fonction de caractéristiques distinctives grâce auxquelles il est collectivement déterminé et, par conséquent, toutes les caractéristiques qui marquent sa différence sont systématiquement accentuées. Non seulement le « style » paraît ainsi autonome, mais cette emphase favorise également la recherche d’autres exemples de différences stylistiques, et non d’une synergie, comme ce fut précisément le cas pour la typologie en quatre styles d’August Mau. Au lieu de la remettre en question, ses partisans ont essayé d’utiliser des similitudes iconographiques pour répertorier des phases de transition plus subtiles entre les quatre styles. La recherche de connaissances d’ordre typologique, et non sémantique, accentue davantage les différences visuelles au détriment de synergies sous-jacentes (pour plus de détails sur les quatre styles de Mau et les tentatives résultantes visant à déterminer des phases intermédiaires ou même des phases à l’intérieur des phases, voir « Domestic Decoration, Painting and the "Four Styles" » de Volker Michael Strocka dans The World of Pompeii, éd. Dobbins and Foss, 302-322. La page 306 en particulier énumère 2 phases dans le Second style, dont la première contient 3 sous-phases et la deuxième 2 sous-phases).
Si l’on cherche une synergie au lieu de se centrer sur les différences, un modèle de peinture murale romaine moins porté sur le style apparaît. Si ces synergies sont appliquées à la classification de Mau, les différences iconographiques deviennent moins évidentes puisque les caractéristiques se chevauchent de plus en plus, Il est généralement admis que le Style des Incrustations (Premier style) de Mau se définit comme une imitation du marbre dans la peinture (fig. 1). Les Styles Architectural (Deuxième), Ornemental (Troisième) et Fantastique (Quatrième) (classification de Mau) contrastent vivement avec cet aspect plan puisque ils sont décrits comme une transition vers un modèle spatial incorporant des traits architecturaux complexes, des images et des motifs ornementaux (fig. 2 à 5). L’emphase est également présente sans aucun doute, mais, parallèlement, la majeure partie de l’iconographie décrite ci-dessus est commune aux trois styles et plusieurs exemples du Premier style semblent illustrer des objets accrochés au mur en faux marbre, insérant ainsi une dimension spatiale qui le relie aux autres styles (fig. 6). De plus, les quatre « styles » soulignent tous les divisions latérales et verticales formées par les pilastres, les colonnes, les entablements et les aediculae, sapant davantage l’idée d’une classification chronologique fiable.
Cependant, en l’absence d’une alternative, la classification de Mau reste la plus utilisée, ne serait-ce qu’en tant que moyen de mettre en évidence la façon dont l’espace pictural de la peinture murale romaine varie entre certaines caractéristiques spatiales et un aspect plan. Karl Schefold considérait ces modulations comme étant comparables aux périodes classique, maniériste et baroque de l’art de la Renaissance, chaque période équivalant aux Deuxième, Troisième et Quatrième styles (La Peinture de Pompéi – Témoignages de l’art romain dans la zone ensevelie par Vésuve en 79 ap. J.C., 1999, p. 35-36). Tout comme d’autres écrivains tels que Josef Engemann, il a également envisagé les éléments individuels de la peinture romaine comme étant d’origine grecque (Engemann 1967), bien que Schefold, en particulier, ait souligné à quel point les artistes romains synthétisaient les influences grecques dans de nouvelles formes spatiales et conceptuelles alors propres aux Romains (Schefold 1962).
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