Perspective et effet miroir
La syntaxe visuelle qui confère au Deuxième style son aspect de réalité virtuelle parfois bouleversant reposait sur un jeu subtil entre les compositions naturalistes et celles en trompe-l’œil, au cœur desquelles se situait une interprétation sophistiquée de la perspective linéaire et atmosphérique.
Même si les artistes, auteurs de ces compositions, ne comprenaient peut-être pas complètement les lois géométriques et mathématiques s’appliquant à la perspective, ils étaient néanmoins capables de manipuler, de façon très élaborée, les connaissances spatiales et atmosphériques associées à celle-ci (fig. 1 et 2). Par nature, la perspective linéaire centralise les éléments car elle unit le point de fuite de la peinture à l’emplacement du spectateur et, de cette manière, celui-ci et l’objet perçu se confondent. Ce principe est amplifié lorsque les quatre murs d’une pièce sont recouverts de compositions en perspective. Dans ce cas, leur similarité conduit à une immersion totale et les habitants vivent alors littéralement à l’intérieur d’une peinture.
Une nouvelle caractéristique propre à la peinture murale romaine est apparue au moment où les compositions architecturales devenaient de plus en plus fréquentes. Pour une raison ou pour une autre, encore floue de nos jours, des peintures murales étaient entièrement reproduites à l’identique sur les murs opposés. Les compositions étaient pratiquement les mêmes à l’exception de quelques différences emblématiques ou symboliques (fig. 3). D’un point de vue formel, l’effet miroir plaçait le spectateur entre des entrées vers deux mondes métaphysiques d’apparence identique, uniquement séparés par l’espace physique de la pièce. Les implications conceptuelles de ce phénomène sont abordées dans le chapitre « La peinture murale et la maison en tant que sanctuaire ».
Si l’on accepte l’idée que les peintures mythologiques encadrées par une architecture en trompe-l’œil s’inspiraient de livres de motifs contenant des illustrations de peintures sur panneau plus anciennes ou étaient créées suite à des visualisations directes de récits mythiques, une question se pose alors : les compositions architecturales environnantes sont-elles aussi tirées de livres de motifs ou reposent-elles sur de véritables sources architecturales ? Les environnements architecturaux qui sont apparus avec le Deuxième style sont parfois tellement immersifs qu’ils font disparaître les dimensions physiques de la pièce, contrairement aux références architecturales du Troisième et Quatrième style, relevant principalement de la fiction. La cohérence des représentations architecturales à travers la pièce implique que l’ensemble de la composition ne s’inspirerait pas d’un livre de motifs, mais les éléments architecturaux pris de façon isolée pourraient bien avoir été détournés d’une telle source. De plus, il ne semble y avoir aucune référence directe à des édifices de Pompéi ou d’Herculanum. Dans Funerary Symbolism in Apulian Vase-Painting, l’auteur tente de localiser des monuments spécifiques qui pourraient avoir servi de modèle à l’architecture funéraire illustrée dans les peintures sur vase italiotes, en vain (Smith 1976, p. 220). La même incertitude découle de nombreuses vignettes de maisons, de villas, de temples et de tombes, qui pourraient représenter des bâtiments réels ou fictifs (fig. 4).
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