Quatre styles : différence versus synergie

Bien que l’étude de Mau et d’autres études ultérieures aient un grand intérêt d’un point de vue purement formel, elles ne nous apprennent pratiquement rien sur la sémiotique et la sémantique de la peinture murale romaine. Au contraire, la recherche d’autres « différences » stylistiques toujours plus subtiles a éloigné davantage les « quatre » styles. En conséquence, les similitudes iconographiques et téléologiques transcendant la division en quatre styles sont systématiquement ignorées, comme, par exemple, le recours fréquent aux aediculae (sanctuaires) ou aux images à caractère votif souvent sous la forme de cérémonies d’offrandes. Ces similitudes apparaissent toutes constamment dans les styles deux, trois et quatre, et se voient rarement conférer une valeur symbolique (fig. 1). L’absence d’analyse iconologique était partiellement due à la classification « décorative » des peintures peu après leur découverte. Ainsi, la forme d’aedicula, souvent centrale dans les peintures murales, au sens propre comme au sens figuré, perdait sa signification originale. Elle était plutôt ramenée à une fonction purement décorative tout comme beaucoup d’autres motifs religieux et ritualistes comme des dieux, des héros, des victoires, des satyres, les représentations de Niké, des ménades, des tholoi (sanctuaires de forme ronde) et des imagines clipeatae (portrait du défunt dans un cadre en forme de bouclier). La classification principalement d’un point de vue décoratif semble également avoir mis un terme aux lectures réfléchies de l’imagerie des compositions. Par exemple, le fruit « magique » qu’Hercule devait récupérer dans le jardin des Hespérides est décrit de tous comme des « pommes d’or » et pourtant le fruit représenté dans la figure 2 (et dans beaucoup d’autres peintures murales) est clairement une grenade. Au vu du symbolisme préchrétien de ce fruit renvoyant aux fiançailles, aux Enfers et à l’immortalité, il est d’autant plus probable que les « pommes d’or » du jardin d’Héra, source d’immortalité, étaient en réalité des grenades (fig. 2).

Bien que mille neuf cent années séparent les intérieurs pompéiens des copies qui ont proliféré à travers l’Europe moderne, Mau a porté le même regard critique sur les uns comme sur les autres. Ironiquement, bien qu’il ait écrit abondamment sur tous les aspects de Pompéi, son analyse formelle des peintures murales est celle qui l’a rendu célèbre. Il est à présent presque impossible d’évoquer la peinture murale romaine sans parler de sa classification en quatre styles. Le fait que personne n’ait remis en question ses théories ne signifie pas que l’on doit également accepter son analyse esthétique des peintures murales, qui présente certains défauts en soi pour les raisons suivantes.

Malgré qu’il ait été quotidiennement en contact avec les peintures murales pendant plusieurs années, sa critique montre qu’il n’hésitait pas à les juger selon ses propres critères esthétiques et selon des critères liés à son époque. Comme la plupart de ses contemporains, Mau évaluait l’art romain en recourant à d’anciennes références littéraires à l’art grec et à sa propre appréciation du bon et du mauvais goût. Les citations suivantes sont toutes issues de Pompeii : its Life and Art (1899) : « […] la détérioration du goût à cause de la longue et terrible guerre est indéniable. » (42) ; « L’agencement global est de très bon goût, tant que l’exécution est soigneuse et délicate. » (97) ; « […] un des décorateurs avait un penchant pour la représentation de scènes mythologiques au clair de lune, manifestant un goût presque barbare. » (322) ; « Les plans complexes et les couleurs éclatantes forment une composition décorative souvent très efficace, bien que les techniques du Troisième style montre un goût plus fin et plus correct. » (460).

 

A la rencontre des peintures murales
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1. Peinture murale représentant Hercule dans le jardin des Hespérides, encadrée dans une aedicula (sanctuaire), Villa di Poppea, Oplontis.

2. (Voir ci-dessus) détail représentant les « pommes d’or » d’immortalité d’Héra sous la forme de grenades, un thème répété par la présence de paons et de deux vignettes stuées en dessous de ceux-ci et représentant des autels et des tombes.


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