La perspective comme forme symbolique
Comme White et Damisch, soit Mau n’était pas intéressé, soit il ignorait que la perspective de la peinture pompéienne pouvait relever de l’ordre symbolique, hypothèse qui n’aurait rien d’étonnant puisque sa classification en quatre styles pompéiens reposait presque entièrement sur des caractéristiques purement formelles. Lorsque des caractéristiques spatiales similaires ont été trouvées dans des peintures situées dans d’autres lieux du monde romain, sa classification en quatre styles est devenue romaine, et non simplement pompéienne.
Mau a essentiellement divisé les peintures murales en quatre groupes sur la base de l’importance de la perspective linéaire dans chaque composition. De cette façon, des modèles ont commencé à apparaître et semblaient former naturellement des groupes, qu’il désigne en tant que « styles ». En ce qui concerne l’évolution dans l’espace, ils ne sont pas systématiques. Dans le cadre de la théorie de Mau, le Premier style est dépourvu de perspective alors que le Deuxième l’utilise de façon tellement élaborée qu’il rivalise dans certains exemples avec la peinture de la Renaissance. Le Troisième style fait à nouveau ressortir les surfaces planes tout en ajoutant une dimension spatiale supplémentaire en incorporant des compositions en perspective sous la forme de peintures figuratives et de paysages dans des cadres architecturaux. Le Quatrième a créé un « style » pluraliste fondé sur un dynamisme spatial issu d’une synthèse des styles deux et trois. La nature changeante des styles et les conséquences dans un cadre culturel ou symbolique plus large n’ont jamais inquiété Mau, principalement parce qu’il considérait uniquement les « peintures » ou les vignettes insérées comme des œuvres d’art, le reste de la composition étant à ses yeux seulement décoratif.
Du point de vue de l’histoire de l’art, le Deuxième style est extrêmement important par son utilisation de la perspective à un stade aussi précoce (fig. 1). Suite à la chute de l’Empire romain, la peinture romaine a commencé à décliner petit à petit et des formes comparables de perspective ont seulement commencé à réapparaître à partir de la Renaissance, époque à laquelle les premières peintures de Deuxième style avaient disparu depuis longtemps. Lorsqu’elles ont été redécouvertes au dix-huitième siècle, leur usage de la perspective a été évalué de façon critique par rapport à la costruzióne legittima, les techniques géométriques rigoureuses développées à la Renaissance. La peinture murale de Deuxième style n’est très clairement pas en accord avec la géométrie, mais sa capacité à créer des univers virtuels plus vrais que nature n’est cependant pas remise en question. D’une certaine façon, l’approche de ces univers est encore plus sophistiquée car ils combinent la psychologie de l’attente avec des techniques de perspective.
Leur stratégie n’était pas différente de celle de Parrhasius qui a utilisé les attentes de son concurrent pour gagner une compétition visant à déterminer qui était le meilleur artiste. Son rival Zeuxis pourrait bien avoir été le meilleur peintre de la vraisemblance car des oiseaux essayaient de picorer les raisins qu’il a peints. Il a néanmoins perdu le concours car Parrhasius l’a dupé en lui faisant croire que les rideaux peints devant sa peinture étaient réels et Zeuxis a donc demandé qu’on les enlève. Les artistes romains ont remplacé le mur physique par un simulacre, créant ainsi une transition homogène vers des univers virtuels au-delà du mur.
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