Craintes de Pline concernant la peinture murale des intérieurs privés

Ironiquement, à peine quelques décennies avant que les peintures murales de Pompéi et d’Herculanum ne connaissent leur sort cataclysmique, l’historien Pline l’Ancien a déploré dans ses écrits la tendance croissante à commander des peintures murales pour les habitations privées. Il s’inquiétait du fait que la population ne pourrait pas les contempler et que les maisons privées étaient sujettes aux incendies. Il affirmait que des peintures mobiles pouvaient être sauvées alors que des peintures murales seraient détruites avec la maison. Si les peintures avaient été commandées uniquement dans un but décoratif, aurait-il été aussi inquiet ? La motivation sous-jacente à son désaccord concernant leur présence croissante dans la sphère privée était probablement liée à l’idéalisme politique, ou du moins à ce qu’il en restait, puisque ceux qui nourrissaient encore des sentiments républicains pensaient que l’art devait être accessible à tous pour l’éducation de l’ensemble des citoyens.

« Mais il n’y a de gloire que pour les artistes qui ont peint des tableaux, et c’est ce qui rend encore plus respectable la prudence de l’antiquité. En effet, alors les murs et les maisons ne s’ornaient pas pour les seuls possesseurs de peintures qui, fixées en un lieu, ne pouvaient être sauvées d’un incendie. Protogène se contentait d’une cabane dans son jardin ; il n’y avait point de peintures sur les crépis d’Apelle ; on ne s’était pas avisé de peindre des murailles entières. Chez tous ces artistes l’art ne veillait que pour les villes, et un peintre appartenait à toute la terre » (Histoire naturelle, livre 35, ch. 37, trad. Emile Littré et Désiré Nisard, éd. 1850, Dubochet, Bibliothèque municipale de Lyon)

Le peintre grec du Ve siècle Agatharchus semble avoir partagé l’opinion de Pline concernant l’opposition entre égalitarisme et gloire car il avait dû être enfermé dans la maison d’Alcibiade et menacé d’emprisonnement à vie s’il refusait de réaliser les peintures murales de l’intérieur de l’habitation (Plutarque, Vie d’Alcibiade, XVI, 4 ; Vie d’Andocide, IV, 17).

Axe d’observation vers l’intérieur et vers l’extérieur

En plus d’accentuer les orientations intérieures et extérieures de la maison, les vues vers l’intérieur et dans la maison étaient également soigneusement calculées. Par exemple, le lararium, ou lieu saint de la famille, était souvent aligné sur le même axe que les fauces et était alors visible pour les passants et les visiteurs. En général, les vues qui donnaient sur le fond de la maison étaient orchestrées avec soin et donnaient sur un objet prisé, une sculpture ou une peinture murale. La Casa del Poete Tragico est un exemple des effets spectaculaires des peintures murales sur l’esprit lorsqu’elles sont placées de façon stratégique. Ce thème est traité de façon très perspicace par Bettina Bergmann dans son essai The Roman House as Memory Theatre: The House of the Tragic Poet in Pompeii (Art Bulletin, 76, 1994).

Pline l’Ancien, qui a vécu dans la campagne sur la rive de la baie opposée à Pompéi, a clairement fait comprendre que les ouvertures architectoniques devaient être calculées afin d’offrir le cadre parfait pour observer la nature.

 

 

A la rencontre des peintures murales
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