De telles vues paysagères sensationnelles ne pouvaient être observées depuis les intérieurs étroits des maisons pompéiennes et l’artifice a donc pris le dessus sur la nature. Comme évoqué auparavant, la nature n’était pas copiée ou imitée, mais elle était soit remplacée ou associée à des illusions et des allusions caractéristiques. D’un point de vue pratique, elles étaient incorporées dans des ouvertures semblables à des fenêtres, ou aedicula, au sein de compositions architecturales plus grandes (fig. 1). Parfois, ces vues picturales correspondaient à de véritables ouvertures sur les jardins ou les cours à péristyle, conférant ainsi à la maison un lien ambigu avec le monde extérieur. D’un point de vue architectural, ce rapport était créé à travers certains traits caractéristiques comme l’espace rectangulaire de l’atrium au-dessus de l’impluvium qui encadrait le ciel et les nuages, et permettait à la pluie et à la lumière de pénétrer (comme une œuvre contemporaine de James Turrell). Les fenêtres et les portes intérieures permettaient également d’apercevoir les jardins majestueux entourés de péristyles ou de simples murs, où la nature cultivée était souvent contrastée avec des décors picturaux mettant en scène de véritables références romantisées à la nature (fig. 2). D’un point de vue purement illusoire, cette ambiguïté « intérieur/extérieur » se traduisait par des formes sophistiquées représentant des réalités virtuelles via la peinture, principalement des motifs architecturaux en trompe-l’œil qui encadraient des peintures mythologiques, des arabesques ornementales, des métonymies visuelles et des références symboliques aux cultes domestiques, publics et impériaux (fig. 3). Comme Bettina Bermann l’a observé, « l’interpénétration de l’extérieur et de l’intérieur ainsi que l’intérêt porté successivement à l’art et à la nature donnent naissance à une expérience floue et hallucinatoire où la vue et la perception se confondent. » (Gazda, E. K., « Painted Perspectives of a Villa Visit: Landscape as status and Metaphor », Roman Art in the Private Sphere, 1991, p. 49-67.)
Les notes du journal de Goethe à la date du 18 mars 1787 livrent une observation assez révélatrice du repositionnement psychologique du spectateur, différent de celui lié aux techniques de trompe-l’œil. Il a écrit ce passage après avoir visité le musée de Portici près d’Herculanum, où il a pu voir de nombreux objets anciens du quotidien récupérés sur les deux sites de fouilles. « Les maisons et les chambres, si petites, que j’avais vues à Pompéi, me parurent alors plus étroites et plus spacieuses : plus étroites, parce que je me les représentais comblées de tous ces précieux objets ; plus spacieuses, parce que ces mêmes objets ne répondent pas seulement à la nécessité, mais, décorés et animés de la manière la plus ingénieuse et la plus charmante par les arts plastiques, ils réjouissent et élèvent la pensée mieux que la maison la plus spacieuse ne pourrait le faire. » (fig. 4) (Goethe, J. W., Voyage en Italie, traduit par Jacques Porchat, 1862, Hachette, p. 259).
Si l’on compare la peinture murale romaine au trompe-l’œil postérieur au dix-septième siècle, il semble évident que la peinture murale romaine des intérieurs privés visait à développer la conscience des spectateurs. Comme Goethe l’a fait remarquer, elle « élève la pensée » au lieu de « tromper l’œil ». Elle a pu servir au début de substitut relativement bon marché aux murs recouverts de marbre, mais d’un point de vue idéologique et iconographie, elle a évolué pour devenir beaucoup plus importante.
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