Luxe et décadence

Tout au long du roman Les derniers jours de Pompéi, Edward Bulwer-Lytton décrit des maisons et leurs intérieurs complètement imaginés dans le but d’intensifier la part dramatique de l’histoire. Ses descriptions, comme celles du Satyricon, ont également grandement influencé les conceptions populaires de la société romaine. Les auteurs abordent tous deux les thèmes du luxe somptueux qui dégénère en opulence décadente. Dans le cas de Lytton, ces thèmes sont évoqués à travers les nombreuses descriptions de la maison d’Arbacès. Le prêtre maléfique d’Isis habite dans un palais rempli de mobiliers somptueux et d’« illustrations d’une valeur inestimable » qu’il utilise pour séduire l’héroïne du roman, Ione (p. 150). Lytton s’est très probablement approprié le cliché emblématique du prêtre païen corrompu par l’amour de l’or dans la mégalographie de Karl Briullov Les derniers jours de Pompéi, qu’il a observé en 1833 lors de son voyage vers Rome et Naples. Le peintre illustre le prêtre païen en train d’essayer de s’échapper, des objets religieux en or à la main, alors que de la lave en fusion crachée par le Vésuve retombe sur Pompéi (fig. 1). Dans le roman, la tentative d’Arbacès de séduire la jeune fille Ione se solde par un échec et ce faisant renforce l’opinion de Lytton, selon laquelle le luxe ne peut être acquis et apprécié que par des gentilshommes aristocrates (comme lui-même). Et pourtant : « La maison de Glaucus était l’une des plus petites, mais l’une des mieux ornées et des plus élégantes parmi les résidences particulières de Pompéi. Ce serait un modèle, de nos jours, pour la demeure "d’un célibataire à Mayfair" […] »
(Lien; p. 19)

Malheureusement, la subtilité de ces éléments ironiques ne transparait jamais dans les interprétations populaires ou les adaptations du livre. . Au contraire, les nombreuses versions cinématographiques ont fini par illustrer parfaitement la certitude que la société pompéienne a été détruite par l’acquisition hédoniste de biens luxueux et par un comportement immoral. Arbacès n’était probablement pas un Italo-romain, mais bien un prêtre lié à la Cour royale égyptienne. Toutefois, cette information ne semble pas être entrée en ligne de compte.

La poursuite hédoniste de nouveaux produits de luxe, tenue responsable de l’effondrement des valeurs sociales et morales romaines, est parfois associée à une époque paisible révolue, souvent appelée l’« Âge d’or », et se trouve habituellement caractérisée par un mélange idyllique de piété et de gloire. Horace en fournit une fois de plus l’exemple le plus manifeste.

Alors l’épais feuillage du laurier
Repoussera les brûlantes ardeurs du jour !
Ce n’est pas ce qu’avaient ordonné Romulus,
Les lois de nos pères et l’autorité du vieux Caton ;

Alors le bien d’un Romain était modique,
Et la fortune Publique considérable :
Un citoyen n’élevait pas d’immenses
Et obscurs portiques pour y recueillir le frais ;

Les lois ne permettaient point de mépriser le gazon
Modeste qu’avait offert le hasard, et elles réservaient le
Marbre encore nouveau pour orner, aux frais de l’état,
Nos remparts et les temples des dieux.

Horace, Odes, II, 15.9-20 (Jean Baptiste Monfalcon, Cormone et Blanc, 1834)

 

La peinture murale et la maison en tant que palais
detail of Last Days of Pompeii, Briullov, showing Pagan priest escaping with gold objects 1>
page header
10
bbfb
bbfb
1. Briullov, Karl, Les derniers jours de Pompéi, 1833 – détail montrant un prêtre païen s’échappant avec des objets en or et en argent, alors que plus près du sol un acte altruiste de dévotion se déroule entre une jeune mère et un père qui tentent de protéger leurs enfants de la lave qui retombe sur eux.