La référence d’Horace à Caton l’Ancien, avec sa barbe hirsute, dans la citation précédente englobe à la fois son traditionalisme rustique et sa haine xénophobe des tendances étrangères. Cependant, à l’époque d’Horace, la culture grecque était tellement assimilée que son caractère étranger ne posait plus problème puisqu’il met lui-même un point d’honneur à nous dire qu’il a intégré des vers grecs dans le latin (citation livre III, 30.15).
La critique émise par Sallustius Crispus à l’égard du luxe est plus salutaire : « Il est utile, une fois que vous êtes habitués aux maisons et aux belles demeures entassées comme de nombreuses villes, de prêter attention aux temples bâtis par nos ancêtres, les plus pieux parmi les hommes. À l’époque, ils avaient pour habitude de décorer leurs sanctuaires avec piété, leurs maisons avec gloire […] » (Cat. 12.3-4) (Whitehorne, 1969, p. 29). On ne peut néanmoins s’empêcher de penser que de telles remontrances pourraient bien avoir été motivées par l’envie plutôt que la piété. Après tout, Salluste était critiqué pour sa duplicité de son vivant, principalement pour son côté censeur dans ses écrits alors qu’il avait autrefois utilisé son statut politique dans le but d’acquérir des richesses pour sa personne (Seyffert, 1891, p. 556).
Luxe et poursuite du paradis
Les guerres civiles au début du ier siècle av. J.-C. ont non seulement privé de nombreuses villes de leurs élites, censées diriger dans l’avenir mais ont également, d’après Cicéron, poussé les survivants à se retirer dans la quiétude de leurs villas et de leurs jardins. Ces endroits offraient un monde d’apparence stable et contrôlable. Lorsque sa vie publique et privée a commencé à s’effondrer, Cicéron a également cherché refuge derrière les murs de sa villa de Tusculum, semblable à un sanctuaire. Dans Funerary Symbolism in Apulian Vase-Painting, H.R.W. Smith souligne que, pour créer un paradis, il faut tout d’abord construire une enceinte pour le contenir, « […] [L]’usage fréquent que je fais de ce mot à demi persan (”paradis”) se voit à présent justifié ; en effet, comme le supposent la porte et les nombreuses fenêtres dans l’eschatologie italiote, sans mur il ne peut exister de “paradis”. » (Smith 1976, p. 68)
Si les sols en mosaïque, les éléments en marbre, les peintures murales, les statues, les jardins à péristyle et les fontaines sont synonymes de luxe, alors beaucoup de maisons découvertes à Pompéi et à Herculanum seraient qualifiées de luxueuses. En même temps, nombreux sont les édifices religieux parmi les plus importants au monde qui seraient également désignés comme étant luxueux parce que leurs intérieurs sont également faits de marbre, de mosaïques, de peintures murales, de statues et de fontaines dans des jardins clos adjacents. Certains de ces édifices contenaient le même genre d’ornements de luxe que ceux présents à l’origine dans les villas romaines « opulentes ». L’Église, gardienne de la maison de Dieu sur terre, ne peut clairement pas être accusée d’avoir pris part à cet étalage irréfléchi et intéressé de richesses hédonistes. Le contre-argument des églises, face aux accusations de poursuite et d’étalage de richesses ostentatoires dans un contexte religieux, était généralement bien construit, puisque seule la perfection convient à la maison éternelle de Dieu. Ainsi, la qualité et la richesse per se sont devenues des métaphores symboliques, comme les icônes ornées de pierres précieuses associées à l’Église chrétienne orthodoxe, où la pureté physique, le caractère précieux et la solidité du joyau sont égaux à la pureté spirituelle, l’amour bienveillant et l’éternité.
Sommes-nous ainsi face à deux situations totalement différentes et, le cas échéant, en quoi sont-elles distinctes ? Est-ce seulement une question de séculier versus spirituel, de maison privée versus maison de Dieu ? La différence majeure est-elle déterminée par l’absence de Dieu dans la première et sa présence dans la dernière ? Afin de parvenir à cette conclusion, il faudrait formuler une série d’hypothèses concernant la relation
Basilique Saint-Pierre, Cité du Vatican, Rome
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