entre l’Église, l’État et l’environnement domestique à l’époque romaine. La plus importante étant que les limites entre les mondes religieux et séculier étaient clairement démarquées et séparées. Cependant, comme de nombreux auteurs l’ont fait remarquer, une telle division aussi tranchée n’existait pas dans la société italo-romaine. Par conséquent, l’argument évoquant la présence de deux types de luxuria, une appartenant aux institutions religieuses et l’autre aux milieux domestiques, a rapidement été démonté.

L’interaction, et dans certains cas l’aspect indissociable, de la vie religieuse et de la vie séculière trouve son origine dans la présence de la même hiérarchie dans les deux domaines. Les prêtres, normalement choisis parmi les citoyens respectés, organisaient les manifestations religieuses publiques et, souvent, ils s’occupaient des affaires d’ordre politique et social. Par conséquent, les pouvoirs citoyen et religieux étaient invariablement aux mains des mêmes personnes. Le collège de prêtres, ainsi communément appelé, se chargeait de l’ensemble des cérémonies religieuses et des rituels, ainsi que des obligations associées à la vie citoyenne.

Dans l’extrait suivant, Andreas Bendlin reprend de manière concise une grande partie de l’opinion portant sur l’interaction entre l’État et la religion. « En effet, l’appropriation active, et parfois agressive, des rituels et des idées religieuses dans la sphère politique prouve que la religion était acceptée dans l’esprit de l’élite républicaine. Leur comportement atteste de la position centrale de la religion dans la vie publique de la société. En conséquence, la relation entre la magistrature et la prêtrise était cruciale pour le développement autonome de l’élite romaine. Ce qu’on a appelé le « compromis civique » (d’où la référence dans le titre de mon chapitre) symbolise la conception qu’a l’élite d’un lien indissociable entre les fonctions sacerdotale et municipale, entre la religion dans la cité-État et dans la vie politique, en résumé : entre la religion et l’État » (parenthèses de Bendlin). Bendlin en particulier reconnaît qu’il a utilisé Gordon (1990) comme source pour sa référence au « compromis civique » (Bendlin, A., 2000, p. 119).

L’absence de limites clairement définies entre le séculier et le religieux dans le gouvernement se reflète également au sein de la maison. En plus de ses fonctions domestiques, sociales et commerciales, l’intérieur privé accueillait également la pratique des cultes religieux au quotidien, principalement dans le but de vénérer et d’apaiser les pénates et autres observances en relation avec les ancêtres de la famille. Le lararium, ou sanctuaire de la famille, constituait l’élément central pour les rituels associés à ces deux types de pratiques, et les maisons ainsi que les villas contenaient souvent plusieurs lararia, utilisées par les différents membres de la maisonnée. Leur présence dans les zones destinées à la cuisine, au repos ou au commerce, indique qu’aucune distinction n’était faite entre les espaces séculiers et religieux. De manière générale, les lararia pouvaient être des structures autonomes semblables à des temples ou des façades de temple incorporées dans la structure de la maison sous la forme de niches peintes ou de peintures murales (fig. 1 et 2). Le commerce et la religion n’étaient clairement pas antagonistes, car le lararium principal était habituellement situé dans l’atrium. On pourrait en conclure que sa présence rassurante était propice aux transactions commerciales puisqu’il symbolisait le respect des dieux et des ancêtres. En lien avec d’autres signifiants, comme les masques ancestraux, il indiquait au visiteur que le propriétaire de la maison était une personne pieuse issue d’une lignée distinguée. Non seulement l’élite et les personnes du monde des affaires devaient disposer de ces caractéristiques particulières, mais elles devaient également être vues en possession de ces attributs. Surgit alors une question : si les peintures murales étaient considérées comme de purs produits de luxe, leur omniprésence n’aurait-elle pas été à l’encontre de la piété représentée par les lararia ?

 

La peinture murale et la maison en tant que palais
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1. Lararium, Casa degli Amorini Dorati, Pompéi, la Triade capitoline – Junon, Jupiter et Minerve (les trois personnages assis sur la droite) – est à présent conservée dans le Museo Archeologico Nazionale di Napoli.

2. Lararium dans l’atrium de la Casa di Obellio Firmo, Pompéi.

 

Casa di Obellius Firmus 2