Cette situation creuse un fossé absurde entre l’original et l’imitation de « classe moyenne », laissant les occupants de la maison en proie à des accusations d’avarice. Une fois cette opinion établie grâce à la présence de processus d’imitation, les « imitations » apparaissant sous la forme d’éléments architecturaux, de peintures murales et de mosaïques sont alors considérées comme étant révélatrices du désir d’acquérir des produits de luxe. La simple présence de l’art devient un indicateur de luxe, et ce, sans tenir compte de son iconographie. La représentation d’univers religieux, métaphysiques et paradisiaques, et non de palais hellénistiques dans ces œuvres, est exclue de la théorie avancée dans le livre puisque celle-ci repose essentiellement sur la conception de l’art à la fois comme un symptôme du désir de luxe et un remède à ce mal.
La plupart du matériel visuel utilisé pour soutenir la thèse du livre est déterminé par le « concept » de la villa, plutôt que par son existence dans la réalité. Les origines de la villa romaine, dit-on, sont compliquées et ont à peine été étudiées (p. 136). Cependant, malgré ce manque de recherche, son origine, mise en évidence tout au long du livre, est celle d’une villa hellénistique palatiale détenue par des monarques et des potentats, avec lesquels les Romains ont été en contact direct à la suite de leurs politiques d’expansion. La localisation de Néapolis et de Pompéi en Magna Graecia, au sud de l’Italie, et donc une région faisant essentiellement partie de la Grèce pendant plus de cinq cents ans avant la conquête romaine, est minimisée en faveur de l’« étranger » et donc de « l’autre », encore plus exotique (fig. 1). Les temples grecs de Paestum, situés non loin de Pompéi, au sud, illustrent que trop parfaitement ce point précis (fig. 2)
En citant une source exotique, la possession d’une villa devient synonyme de fortune, de tranquillité, de loisir et de luxe, les qualificatifs en effet utilisés tout au long du livre, peu importe le type de villa évoqué. Malgré leur opulence, ces villas exotiques, objets du désir, semblent être dépourvues d’occupants de manière assez inquiétante. Comme les maisons et les villas exhumées à Pompéi de nos jours. Aucune information ne nous est fournie concernant le nombre d’esclaves nécessaires à son entretient ou l’agitation allant de pair avec leurs obligations quotidiennes. Même la villa de Trimalcion, si souvent utilisée pour représenter les styles de vie hédonistes, a eu ses moments où la mascarade s’est effondrée pour ne devenir que farce et même violence.
Les maisons et les villas pompéiennes de Zanker sont dépourvues d’interactions sociales autres que celles associées à la consommation ostentatoire. La tranquillité n’est jamais bousculée par le bruit des enfants ou de la rue qui parvient depuis l’entrée principale, dont la porte est laissée ouverte la journée, probablement en tant que geste de piété. Au contraire, la stratégie de l’auteur est de créer un « modèle » dont la perfection est invraisemblable, à partir duquel sont évalués les « goûts » de la classe moyenne. En même temps, l’« autre » parfait est parfois doté d’un sens du risque flagrant destiné à le rendre attractif. Pour ce faire, Zanker signale l’existence d’une société à l’intérieur d’une autre société.
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