Une société à l’intérieur d’une autre société

Une de ces sociétés est composée de Romains vertueux qui rejettent le luxe en faveur d’une vie pieuse, alors que les autres, les Romains impies, tentent d’échapper aux sanctions de leurs concitoyens afin de satisfaire leur désir d’opulence étrangère. Plusieurs textes sont évoqués pour renforcer cette dualité, un premier exemple étant le texte où Cicéron accuse Verrès de chercher à imiter le style de vie de potentats étrangers (p. 138). Cependant, lorsque la carte de la xénophobie est jouée et que toutes les influences non romaines sont considérées comme de la corruption, il convient d’examiner les intentions de l’accusateur, car nombreux étaient les individus totalement opposés à toute forme de contact avec les idées étrangères et surtout celles en provenance de Grèce. Caton l’Ancien est un exemple bien connu. Cicéron par contre, ayant été éduqué en Grèce, ne manifestait pas une telle opposition à la culture grecque. Cependant, en tant qu’avocat, politicien et érudit, il était pleinement conscient du type d’accusations qui aurait grandement nui à la réputation de Verrès. Son stratagème a porté ses fruits, mais était également hypocrite d’une certaine façon puisque Cicéron possédait plusieurs villas et était donc loin d’être un modèle de Romain pieux.

De façon surprenante, l’importance de la maison ou de la villa en termes de généalogie n’est pas abordée dans ce livre. Cette absence n’a peut-être rien d’étonnant étant donné que sa thèse principale porte sur les classes moyennes ambitieuses, mais faisant preuve de « mauvais goût », qui sont censées regarder vers l’avenir et non vers le passé. Après avoir consacré la première moitié du livre à décrire l’objet de leur désir, incarné par les villas des potentats étrangers, l’auteur informe ensuite le lecteur que des maisons tout aussi somptueuses existaient à Pompéi. Ces demeures ont été construites un siècle avant que les nouveaux riches pompéiens de classe moyenne aient supposément commencé à construire ou à réaménager leurs domiciles à la suite du tremblement de terre de l’an 62 apr. J.-C. Surgit alors la question de savoir quels sont les constructions ayant joué le rôle le plus influent sur les ambitieux Pompéiens : les mythiques villas royales ou les maison-villas palatiales détenues par leurs voisins ? La logique voudrait que la seconde réponse soit la bonne, mais puisque la première solution englobe l’autre « exotique » de la thèse du livre, elle l’emporte sur le modèle plus ordinaire choisi par le voisin d’à côté.

Après avoir créé une société à l’intérieur d’une autre, le livre évoque deux types d’espace de vie (p. 142). Toutefois, seul le modèle aspirant à ressembler au palais est abordé et illustré alors que l’autre, appartenant vraisemblablement au propriétaire vertueux, n’est que vaguement évoqué afin de faire référence au comportement pieux auquel les hédonistes impies peuvent être comparés. Dans cet exemple, les hédonistes sont les Pompéiens-Samnites qui, d’après les dires, n’éprouvaient pas la répugnance traditionnelle à l’égard de l’étalage de leur richesse (fig. 1). Cette observation semble contraire au fait que de nombreux déploiements soi-disant « hédonistes », mis en évidence dans le livre se sont déroulés alors que Pompéi était sous la domination directe des Romains.

Imitation

La plupart des questions soulevées par les sociologues concernant les goûts des Pompéiens de classe moyenne tournent autour du mot « imitation ». Le chapitre « Les arts domestiques à Pompéi » en est un exemple éloquent, puisque ce terme y apparaît à de maintes reprises. Bien que son utilisation ait lieu dans des contextes différents, le mot « imitation » porte toujours une connotation péjorative. Par exemple, si une maison affiche certaines caractéristiques de la villa, elle est décrite comme une maison imitant une villa et le texte qui l’accompagne confirme au lecteur que, dans ce cas, « imitation » signifie une imposture prétentieuse.

 

La peinture murale et la maison en tant que palais
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1. Maison Samnite, Herculanum