Alors ce que cet argument pourrait, dans une certaine mesure, faire écho à l’influence largement reconnue de l’art grec sur l’art romain, ce dernier ne doit pas pour autant être uniquement évalué d’après les normes grecques, une position héritée en grande partie de l’historien de l’art à ses débuts, Johann Winckelmann.
Le terme « imitation », par opposition au terme moins péjoratif « influence », est employé tout au long du livre pour appuyer sa thèse. Les termes comme « influence » sont évités, car ils sont synonymes de certaines formes acceptées d’engagement dans la création. Les propriétaires et les artistes qu’ils ont commissionnés ne sont jamais autorisés à atteindre ce niveau d’engagement. Même en mettant de côté ses connotations péjoratives, le terme en question reste problématique avec ses nombreuses nuances sémantiques, en particulier dans le domaine des arts visuels. Imiter, copier, dupliquer, calquer, rappeler, similitude, vraisemblance, ressemblance, simulacre, représentation, reproduction et appropriation, tous ces termes entrent dans le champ lexical des méthodes conceptuelles de création artistique qui impliquent une certaine forme de mimésis ou d’« imitation ». L’imitation, comme Aristote l’a souligné plus de deux mille ans auparavant, est intrinsèque à la communication humaine. Dans cette étude de cas, les termes « imitation » et « original » sont juxtaposés dans le but de sous-entendre une différence qualitative toujours péjorative.
Cet argument ne tient pas compte du fait que la peinture murale romaine est considérée comme sophistiquée d’un point de vue pictural précisément parce qu’elle synthétise la mimèsis et l’allusion dans des créations en trompe-l’œil monumentales. Ce portrait plus global ne peut toutefois jamais interférer avec la thèse de l’auteur parce que l’art romain est y toujours qualifié d’« imitation » dans le sens de « copie ». L’iconologie de l’« original » n’est jamais définie, mais sa supériorité nous est constamment rappelée. Dans ce contexte, la peinture murale située dans les intérieurs privés, ou l’« art domestique » comme l’auteur la désigne dans son livre, est perçue comme un moyen de créer cette « fausse » splendeur qui transforme la maison pompéienne de classe moyenne en une copie « miniature » d’un édifice autrefois palatial. Il ne fait alors plus aucun doute, pour le lecteur, que la « copie » a été réalisée pour les propriétaires dépourvus à la fois des fonds et de l’éducation nécessaires pour s’offrir le véritable bien. Et pourtant, de façon générale, la sensibilité et la qualité émanant des décorations pompéiennes indiquent que les habitants n’étaient pas uniquement motivés par la recherche du luxe, qu’il soit ostentatoire ou autre, dans leur création d’atmosphères fortes en émotion. Lorsque les maisons ou les villas ont été reconstruites après le tremblement de terre, les Italo-romains avaient assimilé la culture grecque depuis au moins plus de deux siècles. Plus important encore, la région campanienne avait été directement exposée à l’influence de la culture grecque, à travers la colonisation, plusieurs centaines d’années auparavant.
Cette approche descendante de la culture, où les œuvres sont de plus en plus considérées comme inférieures à mesure qu’elles s’éloignent de l’« original », symbolise une certaine perception sociohistorique de la culture. Les preuves matérielles vont cependant souvent à l’encontre de cette conception. Par exemple, certaines peintures murales de Pompéi sont identiques, voire supérieures, à celles trouvées dans la maison qui aurait appartenu à Auguste et Livia, située sur le mont Palatin à Rome (fig. 1 et 2). Comment est-ce possible ? Comment une maison dans une ville provinciale peut-elle posséder des peintures murales identiques à celles détenues par une des figures les plus puissantes de l’élite romaine ? La réponse en soit est très simple : les artistes créent l’art, et non pas la prétendue « élite ». Les meilleurs artistes ne gravitent pas toujours uniquement autour de la métropole.
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