En plus d’examiner et de remettre en question certaines accusations proférées à l’encontre des peintures murales, quant à leur association à un certain hédonisme, ce chapitre s’efforce de comprendre certaines positions psychologiques complexes issues de l’association de concepts tels que « demeure », « interaction sociale », « production culturelle » et « palais ». Ces notions se réfèrent principalement à des conceptions propres à l’homme comme le domaine, le confort, le contrôle, l’ambition et le luxe. Le terme « palais » renvoie plus précisément au désir de créer une demeure qui va bien au-delà du simple fait d’avoir un toit au dessus de sa tête.

Outre l’utilisation des peintures murales pour attribuer une position sociale à la maison, les spécialistes en histoire sociale s’en servaient également pour déterminer et même évaluer les goûts esthétiques du pater familias, le chef de la maisonnée romaine. Pour ce faire, les peintures devaient être classées en tant que « décoration d’intérieur » dépourvue de signification symbolique. Tout comme « l’homme invisible », la tête de la famille était rendue visible grâce à l’enveloppe extérieure, la décoration dans laquelle elle avait vécu avec sa famille autrefois. En surface, cette stratégie semble judicieuse pour établir l’identité socioculturelle de l’occupant. Cependant, les peintures murales et leurs propriétaires sont, en réalité, ainsi placés dans un cul-de-sac conceptuel extrêmement rudimentaire créé par les valeurs esthétiques de l’écrivain ou qui les exposent à des lectures axées sur les sources littéraires comme le Satyricon ou sur des textes controversés, tout aussi altérées, adhérant aux vices liés à l’acquisition excessive de luxe. Par exemple, Elizabeth Bartman a critiqué Paul Zanker, un des principaux partisans de l’hypothèse des « palais hédonistes luxueux », car il a fait appel à ses propres valeurs esthétiques pour évaluer les goûts pompéiens (Bartman, 1990, p. 276). Le bien-fondé de sa critique est passé au crible dans l’étude de cas suivant la première partie de ce chapitre.


L’effet Trimalcion

Les films populaires et les textes académiques portant sur le luxe romain font tous référence à l’image du nouveau riche Trimalcion en tant que modèle pour l’archétype de l’esclave affranchi romain débauché, constamment à la recherche du luxe et de la satisfaction personnelle. Le Satyricon, récit où il tient le rôle principal, est un des rares textes antiques à évoquer les peintures murales des intérieurs privés et, bien qu’il s’agisse d’une satire fictive grotesque, l’œuvre est néanmoins utilisée pour associer les peintures murales à la poursuite d’un luxe ostentatoire, ainsi que pour déterminer et critiquer les valeurs esthétiques. La Casa dei Vettii à Pompéi en est un exemple éloquent. Cette maison a fini par illustrer parfaitement les deux extrêmes du bon et du mauvais goût. Roger Ling a décrit certains aspects de la maison comme « splendides », « avec un détail décoratif exquis » et comme étant « particulièrement raffinés », alors que John Clarke a associé les goûts du propriétaire à ceux de Trimalcion. Eleanor Leach en a rapidement profité pour rappeler à Clarke que Trimalcion était une « caricature » fictive (Ling,1991, p. 78 ; Clarke, 1991, p. 233‒235 ; Leach 2004, p. 309 et n117).

 

La peinture murale et la maison en tant que palais
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Casa dei Vettii, Pompéi (détail), oecus menant à un jardin à péristyle.