Fidèle à la nature satyrique du Satyricon, Trimalcion demande la métaphore opposée sur son tombeau: « Je vous prie d’y représenter aussi des navires courant à pleines voiles, […] » (Pétrone, Satyricon, chapitre LXXI). Statius, dont la poésie se centre sur les alentours de la baie de Naples, nous permet de mieux comprendre la façon dont les vues poétiques et peintes comme celles-là faisaient écho à des significations sacrées et métaphoriques, souvent liées à la tranquillité et à une traversée sûre (voir Statius Silvae, Loeb Classical Library, Mass., 1982 et Bonner 1944).
L’illustration 16, alors qu’elle n’est pas explicitée ailleurs que dans la longue légende, est néanmoins utilisée pour renforcer la thèse du livre. Cependant, non seulement le contenu de telles peintures peut connaître différentes interprétations contraires à cette thèse, mais la date estimée de leur réalisation va à l’encontre de l’hypothèse du livre, où le « nouveau riche » a profité du tremblement de terre de l’an 62 av. J-C. et a ainsi tiré parti de ses nouvelles richesses pour « imiter » le luxe du monde hellénistique. Bettina Bergmann a mené une étude portant sur environ trois cents peintures de ce genre et est parvenue à la conclusion que la majorité d’entre elles avaient été produites « au début du Quatrième style, entre l’an 50 et l’an 62 av. J.-C. ». Si son affirmation est correcte, elle situe les peintures avant le tremblement de terre qui a soi-disant permis à la classe moyenne de prospérer.
Paul Zanker n’était pas le seul à opter pour un usage sélectif des peintures murales découvertes dans le tablinum de la maison de M. Lucretius Fronto. D’autres historiens ont également utilisé des éléments de son intérieur riche en peintures pour soutenir différentes théories. Le plus célèbre était H. G. Beyen qui a eu recourt de façon sélective à l’imagerie des parties supérieures des murs latéraux du tablinum afin de récréer des décors de théâtre antiques, et ce, sans réellement faire référence aux autres peintures de la pièce. Les reconstitutions ont alors été utilisées pour appuyer des arguments affirmant que la peinture murale romaine-campanienne s’inspirait d’antiques décors théâtraux. Ces questions tautologiques en rapport avec les méthodes de reconstitution de Beyen seront abordées en long et en large dans le chapitre à paraître : « La maison en tant que théâtre ».
Parcs animaliers ou jardins paradisiaques ?
Selon Zanker, il semble qu’aucun désir des Pompéiens de classe moyenne n’était inaccessible s’ils trouvaient un moyen « d’imiter » l’objet de ce désir, même pas les parcs animaliers royaux par exemple. Cette observation est illustrée par une référence à une peinture murale située dans le jardin de la maison d’Orphée (Illustration 14.2) (fig. 1). L’inaccessibilité physique et financière ici n’est pas symbolisée par la villa royale, mais par l’image encore plus exotique du parc d’animaux privé, que seule la famille royale ou les personnes extrêmement riches pouvaient se permettre de financer. L’illustration qu’il a choisie est celle d’une copie lithographique de cette peinture murale, à présent détériorée, et la légende nous informe que nous observons un « parc animalier » où Orphée peut être aperçu en train de jouer de la lyre pour enchanter les animaux sauvages. Malgré qu’Orphée soit le sujet de la peinture, il passe en second plan derrière l’image du « parc animalier ». Pourquoi l’auteur a-t-il sorti Orphée de la contrée sauvage pour le placer dans un parc lié à la royauté ? L’image de la caverne devant laquelle il est assis n’a-t-elle aucune signification mythologique ou s’agit-il uniquement d’une autre attraction du parc ?
11. Lithographie (1875) représentant une peinture murale d’un jardin dans la Maison d’Orphée (VI, 14.20), Pompéi. Elle correspond à l’illustration 14.2 dans Pompeii – Public and Private Life, 2000.
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