Il est cependant évident que s’il n’était pas conscient de la signification que Paul Zanker attribue à la peinture, à savoir notamment une mascarade d’opulence, alors le propriétaire la percevait probablement comme un paradeisos orphique, qui est après tout la première interprétation que l’on pourrait faire de la peinture. Auquel cas, elle ne peut être utilisée pour illustrer de cupides intentions mais bien un sentiment de paix et de tranquillité, soit précisément ce que d’aucun attendrait d’un jardin.

Collections de sculptures

Les sculptures dans les jardins de Pompéi permettaient également de définir les « goûts » et la position sociale du propriétaire. La sous-section « Des jardins remplis de sculptures » (p. 168-174) indique clairement au lecteur que des collections comme l’ensemble de statues trouvé dans le jardin de la maison de M. Lucretius étaient motivées par la cupidité au-delà de la classe et du statut (fig. 1). La plupart des objets se voient attribuer peu de valeur, voire simplement aucune valeur, qu’elle soit esthétique ou autre, à l’exception de leur contribution dans la création d’un effet de « mise en scène » visant à impressionner les voisins (p. 174). Une fois de plus, la villa hellénistique palatiale, cette fois décorée de superbes sculptures, est présentée comme l’objet du désir inaccessible. Toutefois, parsemer votre maison et votre jardin d’œuvres d’art fait-il nécessairement de vous une personne aspirant à transformer sa maison en villa ? L’exposition de sculptures était, après tout, une des façons pour les individus et les communautés de communiquer entre eux et avec les visiteurs.

Comme J.J. Pollitt le fait remarquer, au milieu de iie siècle av. J.-C., Rome était devenue un « musée d’art grec » et était « inondée » de statues grecques, en réponse directe aux sièges de Syracuse (en l’an 211 av. J.-C.) et de Corinthe (en l’an 146 av. J.-C.), ainsi que d’autres sculptures prises de Tarentum (en l’an 209 av. J.-C.) en Magna Graecia (partie grecque du sud de l’Italie). D’autres sources anciennes, nous dit-il, vont encore plus loin en affirmant que le pillage de Corinthe « avait submergé l’ensemble de l’Italie » de peintures et de statues (Pollitt 1978, p. 156‒157). Ce qui est donc important ici , c’est que, suite aux politiques expansionnistes républicaines, de nombreuses œuvres d’art grecques et hellénistiques se trouvaient en Italie au moins 260 ans avant les collections de sculptures pompéiennes du premier siècle apr. J.-C , qui, selon Zanker, sont directement influencées par les villas hellénistiques et leur contenu. De toute évidence, 260 ans suffisent grandement pour que les œuvres issues d’un pillage deviennent parties intégrantes de la société romaine ou, du moins, qu’elles soient absorbées et remises dans un autre contexte (fig. 2). Par conséquent, pourquoi évoquer des modèles étrangers exotiques alors que les espaces publics et les villas privées d’Italie offraient des sources d’influence culturelle plus facilement accessibles ? Les collections de sculptures publiques et privées qui ont surgi à la suite des campagnes fructueuses de Rome auraient tout aussi bien pu inciter les individus à acquérir et à afficher des sculptures dans les environnements domestiques. D’autant plus que les propriétaires de ces collections n’avaient pas à imaginer de lointaines villas royales comme modèle ; un tour du côté du forum local dans n’importe quelle ville de taille raisonnable leur aurait fourni toute l’inspiration dont ils avaient besoin. Le degré d’intégration de l’art grec dans la structure sociale au début du premier siècle av. J.-C. est attesté par un évènement bien particulier. En effet, lorsque les empereurs successeurs d’Auguste ont essayé de revenir sur sa politique, où l’art grec devrait être exposé en public, et ont tenté de rendre à la détention d’œuvres d’art son caractère privé, le peuple s’est soulevé et les a arrêtés (Pollitt, 1978, p. 167).

  

La peinture murale et la maison en tant que palais
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1. La critique de la collection de sculptures du jardin de M. Lucretius, exposée dans Pompeii – Public and Private Life (2000 ; p. 174), repose sur la photographie de la fin du XIXe siècle de Giorgio Sommer. Les sculptures ont été enlevées il y a plusieurs décennies et nous n’avons aucun moyen de savoir si l’emplacement des sculptures reflétait leur position à l’époque de l’éruption.

2. Sculptures de Pompéi et d’Herculanum conservées au Musée archéologique national de Naples.