À la place, le livre nous rappelle constamment que l’objet du désir hédoniste des Pompéiens, à l’origine de leur volonté de décorer comme ils l’ont fait, se trouve ailleurs, dans un univers étranger, un univers hellénistique royal. Cependant, bien plus tôt, à la page 32, le livre nous raconte que Pompéi était déjà une ville hellénistique en l’an 150 av. J.-C. environ, avec des maisons urbaines qui rivalisaient avec les palais de la royauté hellénistique. De même, l’auteur passe sous silence le changement progressif, à partir du deuxième siècle av. J.-C., de l’économie agraire de la campagne environnante en ce que Maurizio Gualtieri appelle « le système-villa », par opposition aux nombreuses petites exploitations paysannes (Gualtieri, Maurizio, « The Western Greeks and Rome in Southern Italy », JRA, V.12, 1999, p. 507‒511). Ensemble, ces deux informations montrent clairement que des modèles de style de vie à l’image de celui des villas étaient à la portée des habitants, bien plus que ce que Paul Zanker voudrait nous le faire croire. Les fermes-villas paraissent toutefois moins exotiques que les palais royaux et les dépenses liées au désir hédoniste seraient bien moins justifiées si elles étaient associées à ces constructions rurales, ou même pour les demeures opulentes inspirées du style des villas de certains voisins fortunés.
Il convient également de souligner que lorsque l’auteur aborde la demeure palatiale inspirée des villas, citée précédemment, et l’adoption de la culture hellénistique, il n’emploie pas des termes péjoratifs dans un premier temps. Il nous raconte plutôt que les habitants de la « classe supérieure » ont « assimilé » la culture hellénistique, car elle leur permettait d’« établir un lien » avec les tendances méditerranéennes plus vastes (p. 32). Il sous-entend ainsi que, quoi qu’il en soit, ces individus faisaient partie de cette culture plus globale d’un point de vue géographique et social. De tels privilèges géosociaux ne s’appliquent pas aux habitants de Pompéi de la « classe moyenne » évoqués par la suite. Leur tentative de s’insérer dans le monde méditerranéen, pris dans son ensemble, est perçue comme une « imitation » cupide plutôt qu’un acte d’acquisition motivée par une empathie liée à la culture. Cependant, même l’empathie de la « classe supérieure » s’est rapidement révélée être de la convoitise lorsque Zanker commence à traiter du contenu des maisons que possédaient les « anciennes » familles.
Dans une sous-section intitulée « Les anciennes familles et leurs "palais" » (p. 33‒43), la maison du Faune est utilisée comme exemple du type d’opulence domestique typique que les riches s’offraient (p. 35). En raison de ses dimensions, cette maison particulière n’est pas reliée aux villas royales, mais aux palais appartenant à un monarque ou à un potentat étranger (fig. 1). Cette observation est reprise plus loin dans le chapitre sur l’« art domestique » (p. 142). Cette sous-section rappelle au lecteur que la maison du Faune ne « s’inspirait » pas du style des villas, malgré qu’elle présentait toutes les caractéristiques architecturales habituellement associées à l’architecture de la villa, comme les jardins à péristyle, les fontaines, les mosaïques, les peintures et les nombreuses pièces disposant d’une vue sur les jardins. Il est nécessaire d’établir une certaine distance entre de tels édifices dotés d’un contenu luxueux et l’image de la villa, car leur présence à Pompéi dès cette époque remet en question la théorie de Zanker soutenant qu’environ cent soixante ans plus tard, la « classe moyenne » a tenté d’imiter le style de vie propre aux villas de la royauté « étrangère ». Et pourtant, si l’on compare ces édifices avec la maison du Faune, on remarque que les mêmes éléments ont été utilisés, la seule différence étant les dimensions des demeures. Quant à la qualité, même le propriétaire de cette maison particulièrement grandiose ne peut être accusé d’un manque d’expertise en la matière.
Sa maison est tout d’abord présentée comme l’incarnation du « culte grec du luxe » et les œuvres d’art, comme la mosaïque d’Alexandre, sont citées à titre d'exemple. Parallèlement, l’auteur affirme qu’il ne faut pas déduire, à partir de la présence de telles œuvres, que le propriétaire était un connaisseur (p. 40 et 41).
11. Maison du Faune, Pompéi – vue depuis ce qui était auparavant l’atrium, menant au tablinum (où se trouvait la mosaïque d’Alexandre) et ensuite au double jardin à péristyle.
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