D’un point de vue historique, la mosaïque d’Alexandre de la maison du Faune est probablement une des plus importantes jamais découvertes, mais malgré tout, son degré de sophistication dans la complexité de sa composition et son utilisation de la perspective n’est jamais abordé par l’auteur (fig. 1). Elle est uniquement dépeinte comme copie d’une peinture grecque disparue et comme preuve du désir du propriétaire de s’identifier à la culture hellénistique. Le thème grec de la mosaïque est interprété comme une tentative « flagrante » d’afficher le degré élevé d’instruction du propriétaire. Cependant, nous ne pouvons déduire, nous dit-on, que cet homme était un fin connaisseur à partir des caractéristiques cette mosaïque ou de sa collection d’art de grande valeur.
Ce constat accablant repose entièrement sur une autre mosaïque située à proximité, dont l’auteur ne fournit aucune illustration, mais sa référence à un crocodile et à un hippopotame suggère qu’il s’agit de l’œuvre illustrée en fig. 2. La mosaïque en soi est quelque peu trompeuse dans sa description en tant que production de « style primitif » et il convient probablement d’en déduire que le jugement esthétique du propriétaire était également « primitif », éloignant ainsi sa possibilité d’être un grand connaisseur (propriétaires des peintures d’Henri Rousseau, dit « Le Douanier », je vous invite à en prendre note). L’objectif de Paul Zanker est de semer le doute sur le jugement esthétique du propriétaire afin de démontrer l’aspect purement superficiel de son appropriation de l’art hellénistique. Cependant, en employant le terme « primitif » pour critiquer cette mosaïque, l’auteur aborde involontairement une série de possibilités esthétiques qui discréditent en vérité son argument. En comparaison avec la complexité spatiale de la mosaïque d’Alexandre, le paysage nilotique pourrait effectivement sembler « primitif », mais uniquement dans le sens où il fait preuve d’une innocence naïve digne d’un enfant et semblable à celle d’autres mosaïques de l’époque. Il est même possible que cette mosaïque en particulier ait été commandée par le propriétaire dans le but de divertir les enfants et les adultes sans distinction. Il ne faut donc pas confondre sa naïveté ou sa « primitivité » apparente avec un manque de sophistication, bien au contraire. Il paraît évident que Zanker souhaitait associer la naïveté à un manque d’expertise de la part du propriétaire. Néanmoins, il fait de même lorsqu’il aborde le degré exceptionnellement élevé de vraisemblance, d’une manière presque scientifique, dans la mosaïque représentée dans son illustration 2 (fig. 3). En effet, le niveau de vraisemblance est tellement exceptionnel qu’il permet à des spécialistes en sciences maritimes d’identifier le fossile d’un poisson dont l’espèce était censée être éteinte, mais découverte plus tard dans les profondeurs des océans. La possession et l’exposition de mosaïques à la fois, « raffinées » et « primitives » par le propriétaire pourrait bien être un signe de culture. Certaines mosaïques de Pompéi parmi les plus sensationnelles visuellement, à présent conservées au Musée archéologique de Naples, proviennent de la casa del Fauno.
Une mosaïque localisée dans l’entrée de celle-ci (fig. 4) est citée comme preuve supplémentaire de la tentative vaine du propriétaire de « paraître » à la fois instruit et cultivé. Aucune illustration n’est mise à disposition du lecteur, mais l’auteur choisit, parmi un large éventail d’images, outre les tambours de Dionysos, des masques tragiques, présentés comme les indicateurs d’une éducation classique, et en réalité considérés comme les symboles d’un « mode de vie hédoniste », selon ses dires (p. 39). Ces références symboliques dépeintes dans la mosaïque étaient monnaie courante à Pompéi et à travers le monde méditerranéen. Par conséquent, il semble peu probable que le propriétaire les ait commandées dans le but de démontrer son éducation supérieure. Concernant leur rôle en tant que signe d’un mode de vie hédoniste, les références simultanées à l’abondance, à la tragédie et à la renaissance dans la mosaïque ont plus vraisemblablement été placées dans l’entrée de la maison pour des raisons superstitieuses, voire apotropaïques. La volonté d’impressionner les visiteurs en affichant des affinités avec la culture grecque pourrait paraître insignifiante, mais un des objectifs les plus courants associés à la décoration de l’entrée était la protection des habitants, illustrée à travers une imagerie apotropaïque. D’autres éléments dans l’entrée appuient cette hypothèse.
|