Des temples dans les entrées

L’auteur attire involontairement notre attention sur les éléments apotropaïques dans l’entrée de la maison du Faune lorsqu’il met en évidence deux structures pouvant appartenir à un temple sur les parties supérieures des murs, de part et d’autre de l’entrée (fig. 1). Elles sont décrites comme étant totalement disproportionnées par rapport à la taille de l’entrée, car leur grandeur terriblement imposante avait plus de chance d’avoir un effet « menaçant » plutôt que d’impressionner les visiteurs, comme le propriétaire le souhaitait (p. 38). Son emploi du terme « menaçant » pour illustrer cet échec est plus qu’ironique dans ce contexte particulier. Une grande partie de l’imagerie associée aux entrées pompéiennes, généralement appelées les fauces (signifiant gorge du corps de la maison), visait soit à éloigner les mauvais esprits, soit à encourager la prospérité à pénétrer dans la maison. Et quel meilleur moyen de repousser les mauvais esprits, ou de « menacer » les individus dotés de mauvaises intentions, que d’installer la maison des dieux de chaque côté de l’entrée de la maison.

La page 143 nous indique que d’autres maisons pompéiennes de la même époque que la maison du Faune (env. 100 av. J.-C.) disposaient de copies encore plus « riches » de décorations hellénistiques. L’auteur illustre son propos en présentant au lecteur l’oecus corinthien de la maison du Labyrinthe (fig. 2). Il nous informe que cette large pièce composée de colonnes « s’inspirait » du style des villas, mais que ces peintures murales visaient à illustrer l’hellénisme palatial. Il justifie cette affirmation en décrivant la fig. 2 comme une « cour de palais » avec un « temple hellénistique » en son centre. Aucune illustration n’accompagne la description bien qu’une note de bas de page renvoie le lecteur à une image dans un autre livre (Schefold 1962, p. 36-37, 41ff. illustrations 3.2 et 20). Paul Zanker réalise une description qui se veut factuelle, alors que, parallèlement, il omet comme par hasard plusieurs éléments emblématiques majeurs qui auraient discrédité sa thèse. Il ne mentionne pas non plus l’aspect hautement controversé de la peinture, hormis dans une note de bas de page qui renvoie le lecteur à un débat portant sur sa datation. En vérité, cette peinture murale pompéienne est probablement une des plus débattues et a été utilisée pour renforcer plusieurs théories différentes, la plus célèbre étant la tentative de H. G. Beyen de l’associer aux décors de théâtre.

Si l’on compare la description de la peinture de Zanker à la page 143 avec la peinture-même, des anomalies intéressantes commencent à faire surface. Tout d’abord, l’auteur informe son lecteur que l’œuvre représente la cour d’un palais et, effectivement, les éléments architecturaux sont impressionnants. Une fois mise de côté l’incohérence flagrante liée à l’utilisation d’une représentation picturale d’un soi-disant palais pour démontrer un lien avec l’architecture des villas. Le point qu’il aborde ensuite est le « petit » temple circulaire situé au milieu de la cour. Dans les faits, le temple, normalement appelé une tholos, est de petites dimensions par rapport à l’espace virtuel où il se trouve. Cependant, sur le plan psychologique, sa position centrale sans compter que tous les autres éléments de la composition semblent converger vers le temple indiquent que l’édifice est en réalité le sujet de la peinture. Ce faisant, cette perception va à l’encontre de celle de l’auteur soulignant que nous observons la cour d’un palais et implique plutôt que nous observons un sanctuaire. Quoi qu’il en soit, le sujet de la peinture n’est pas  une cour de palais, mais un temenos, un espace sacré défini par des murs ou des colonnes. Plusieurs autres motifs dans la peinture renforcent cette lecture, tels que les masques apotropaïques (de part et d’autre de l’entrée), les images de nourriture pour un ex-voto (volaille et cruche de vin) et l’entrée entourée de murs avec une représentation d’un autel sur le dessus, symbole d’un lieu sacré – un temenos.

 

La peinture murale et la maison en tant que palais
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1. Entrée de la Maison du Faune, Pompéi, flanquée par une imagerie de temple.

2. oecus corinthien, Maison du Labyrinthe, Pompéi – peinture murale représentant l’entrée d’un sanctuaire temenos abritant une tholos.