L’idée que l’art puisse opérer à un niveau métaphorique et symbolique n’a pas sa place dans la thèse de l’auteur, hormis en tant qu’expression de la satisfaction personnelle ; les interprétations littérales prennent constamment le dessus. À la page 199, il ose affirmer que presqu’aucun élément dans la décoration de ces dernières maisons pompéiennes ne renvoie à leur vie quotidienne ou à leurs croyances religieuses. Même le lararium ou sanctuaire domestique, toujours présent dans les habitations, est présenté comme un coin insignifiant de la maison, assimilant ainsi sa présence à un acte purement et simplement figuratif. Cette déclaration ahurissante va à l’encontre de toutes les œuvres littéraires portant sur les lararia et les rituels quotidiens inhérents. Sur ce thème, consultez : Boyce 1937 ; Foss 1997 ; Froehlich 1991; Giacobello 2008; Orr 978 et la section sur les lararia dans cette publication-ci.
Cette absence de lecture religieuse ou symbolique rattachée aux peintures murales est également constatée dans un autre ouvrage du même auteur. À la page 28 de The Power of Images in the Age of Augustus, Paul Zanker affirme que le « style architectural », ou « deuxième style » de la peinture murale romaine, était représentatif de la « névrose obsessionnelle » de la classe supérieure romaine centrée sur l’obtention d’un « faste sensationnel ». « Même » les petites chambres, nous dit-on avec insistance, affichaient des « fantaisies architecturales impressionnantes » utilisées pour satisfaire le désir névrotique de « l’extravagance la plus ultime », même si l’« effet visuel déconcertant » des façades architecturales n’aurait pas, selon l’auteur, favorisé le sommeil (fig. 1). Ce dernier commentaire fait apparaître une lecture superficielle de l’imagerie utilisée pour illustrer ses propos. D’après lui, la peinture du cubiculum 16 de la villa des Mystères évoque simplement une architecture palatiale extravagante placée de manière absurde dans une petite chambre, alors qu’en réalité, les peintures positionnent le dormeur dans un espace de transition entouré de vues donnant sur des sanctuaires – un thème très favorable à un sommeil paisible. Elizabeth Bartman critique très habilement Zanker pour avoir analysé les peintures de la chambre 16 en recourant à ses valeurs personnelles : « Selon Zanker, un cubiculum de la villa des Mystères de Pompéi fait appel à des illusions tellement extrêmes qu’elles auraient pu perturber le sommeil. Zanker projette ici ses propres valeurs au lieu d’essayer de chercher à comprendre l’intérêt qu’un tel espace aurait pu avoir pour ses occupants romains » (Bartman 1990, p. 276). La présence de peintures murales parmi les plus élaborées dans les chambres contredit également la thèse de Zanker. Si le désir hédoniste était au cœur du style de vie pompéien, comme il l’affirme tant de fois, pourquoi auraient-ils dépensé autant pour des pièces que très peu de personnes avaient le droit de visiter ?
L’utilisation d’artefacts comme témoignages de certains comportements humains pourrait être la solution rêvée des spécialistes en histoire sociale, cette approche n’est de toute évidence pas exempte de problèmes, dont certains ont été mis en évidence dans l’étude de cas précédente. Comme plusieurs écrivains français l’ont fait remarquer, Barthes, Bourdieu, Foucault etc., la recherche du code sémiologique et sémantique d’un artefact n’est en aucun cas une tâche aisée. Si une personne compte utiliser un artefact pour déchiffrer un processus social, alors il semblerait judicieux de ne pas juger prématurément la nature de l’objet en question. Pourtant, cette démarche est précisément adoptée par Zanker lorsqu’il désigne des artefacts comme les peintures murales en tant que produits de luxe per se.
11. Cubiculum (chambre) 16, Villa des Mystères, Pompéi.
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