Une Anatomie : 1933-2022
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Les dessins d'Une Anatomie peuvent donc représenter une réalité autobiographique reflétant l'état de Marie-Thérèse pendant la période de sa maladie. Quant à la durée de celle-ci, Richardson et Brigitte Baer nous proposent deux scénarios différents. Richardson affirme qu'elle était complètement rétablie à la mi-janvier 1933 et Baer a déclaré qu'« elle était plus ou moins convalescente pendant les premiers mois de 1933 et donc moins souvent avec lui, ce qui lui a permis de faire le point sur la situation » (Baer 1997 : 33). Le récit de Richardson situe la création des dessins d'Une Anatomie après sa convalescence, tandis que celui de Bear leur donne une pertinence quasi contemporaine. Quoi qu'il en soit, il n'est pas surprenant que Picasso ait pu réagir à la maladie mortelle de Marie-Thérèse par une forme d'intervention artistique. À deux reprises, il a été traumatisé par la mort de femmes qu'il aimait beaucoup. Sa sœur bien-aimée Conchita avait sept ans lorsqu'elle est décédée de la diphtérie et Eva Gouel, sa maîtresse, est morte à l'âge de trente ans après avoir contracté la tuberculose. Ces deux événements traumatisants, ainsi que les problèmes de santé récurrents d'Olga, ont sans aucun doute poussé Picasso à développer une peur de la maladie, à la fois pour lui-même et chez les femmes de sa vie.

Le Sauvetage

La réaction immédiate de Picasso face à la mort possible de Marie-Thérèse et à ses conséquences a été de produire des peintures, des dessins et des gravures illustrant de nombreux scénarios dans lesquels elle est dramatiquement sauvée de la noyade. Le sauvetage et les baigneurs jouant au ballon, 1932, confondent même le thème des baigneurs jouant au ballon sur une plage avec celui d'un sauvetage de la noyade survenant également sur une plage où toutes les figures féminines apparaissent calquées sur celle de Marie-Thérèse (Fig.18). De nombreuses peintures montrent également l'impact de l'accident via des représentations graphiques d'une perte de poids et de cheveux sévère (Figs.19).

Richardson et Widmaier Picasso associent tous deux les peintures Le Sauvetage de Picasso à des pratiques votives. Dans le volume 4 de son magnum opus, "Picasso : His Life and Work", (1933-43), qui a été publié à titre posthume fin 2021, Richardson souligne que l'incident de 1932 n'était pas le seul moment où Marie-Thérèse a failli se noyer , mais qu'en 1928, elle a également risquer la noyade en sauvant une adolescente qui séjournait dans le même camp d'été pour jeunes filles où Picasso l'avait envoyée, alors que lui et sa famille séjournaient à Dinard (Richardson 2021: 8).

 

Fig.18 Picasso. Le sauvetage et les baigneuses jouant au ballon, peinture, 22-12-1932
Fig.19 Picasso. Le sauvetage, peinture, décembre 1932. Fondation Beyeler, Reihan/Bâle, Suisse.

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Bibliography