Les sanctuaires dans les jardins  –  paradeisoi

L’axe intérieur et les hauts murs qui caractéristiques de plupart des habitations romaines ne se contentaient pas d’offrir une sécurité intérieure ; ils permettaient aussi de créer des jardins de paradis clos, qui contribuaient à l’image de la maison en tant que sanctuaire (fig. 1). Dans son ouvrage sur la peinture sur céramique apulienne, H. R. W. Smith souligne que pour créer un paradis, il faut tout d’abord construire une enceinte pour le contenir. « […] [L]’usage fréquent que je fais de ce mot à demi-persan (”paradis”) se voit à présent justifié ; en effet, comme le supposent la porte et les nombreuses fenêtres dans l’eschatologie italiote, sans mur il ne peut exister de “paradis”. » (Smith, 1972, p. 68) À l’origine, le mot « paradis » renvoyait en effet à un espace entouré de murs. Le terme dérive du Latin d’Église paradisus (la demeure des défunts vertueux ou bénis), qui provient lui-même du terme grec paradeisos, « jardin » ou « parc ». Si l’on remonte encore plus loin, il est généralement admis que les Grecs pourraient avoir reçu ce mot des anciens Perses, à cause de la ressemblance avec le terme avestique pairidaeza, qui renvoie à un espace clos (de pairi, « clôturé » et daeza, « mur »). Dès lors, pour les Perses, le jardin clos incarnait une manifestation terrestre du paradis spirituel, et cette métaphore s’est prolongée dans les croyances païennes, puis chrétiennes, liées à la vie après la mort. La présence de sanctuaires aquatiques dans nombre de jardins clos à Pompéi et à Herculanum suggère que les esprits tutélaires et les numina étaient également vénérés au cœur de cette version terrestra du paradis, ainsi que dans d’autres parties importantes de la maison (fig. 2).

Certaines familles aisées créèrent des transitions harmonieuses entre la maison et le jardin de paradis en installant des péristyles (passages à colonnades) ou des pièces adjacentes ouvertes sur le jardin par des portes pliantes. Les peintures murales, à l’instar de celles découvertes dans l’oecus corinthius de la Casa del Labirinto, prolongeaient le thème du paradeisos avec des mondes virtuels peuplés de dieux et d’ancêtres (fig. 3). Les murs latéraux représentaient des sanctuaires tholos dédiés à Zeus et aux ancêtres de la famille, tandis que le mur opposé aux jardins était consacré à Hécate (fig. 4). Une autre version mieux conservée de cette scène se trouve dans le cubiculum M de la Villa Publius Fannius Synistor. Dans chacune des deux versions, Hécate est entourée d’un naiskos (sanctuaire), situé derrière un portail menant à un jardin-sanctuaire clos. Face au jardin, le mur s’ouvrait par des portes pliantes en bois qui créaient un lien physique entre la pièce et le jardin péristyle, semblable à la transition entre la pièce et les sanctuaires virtuels illustrés dans les peintures. L’oecus corinthius de la Casa del Labirinto, a été récemment restauré après qu’un effondrement du toit ait endommagé les peintures déjà abîmées. Néanmoins, dans son état originel, il constituait un exemple remarquable d’interaction physique et métaphorique entre le concept de la maison en tant que sanctuaire et son jardin de paradis clos. Le dessin en perspective axonométrique de l’oecus corinthius reproduit dans Domus: Wall Painting in the Roman House (p. 170) illustre le degré extrême de sophistication picturale que renfermait cette pièce. En outre, il montre également de manière claire que les trois peintures murales empruntaient au thème du jardin-sanctuaire pour prolonger le thème de la maison en tant que sanctuaire.

Dans certaines maisons, comme la Casa del Bracciale d'Oro ou la Villa Livia Drusilla à Prima Porta, on retrouve des pièces entières peintes de manière à évoquer des jardins de paradis, qui complètent les véritables jardins paradeisoi souvent tout proches (fig. 5).

 

Le Culte de la Maison
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1 Jardin clos reflétant le paradeisoi sur terre

2 Sanctuaire de jardin dans la Casa della Fontana Piccola, Pompéi

3 Oecus corinthius de la Casa del Labirinto, après restauration de 2007‑2008

4 Oecus corinthius de la Casa del Labirinto, peinture murale d’Hécate, face au jardin

5 Villa di Livia Drusilla, Prima Porta, peinture murale d’un jardin de paradis